Bruno Angelini piano solo
http://illusionsmusic.fr/leone.html
Label ( illusions)
parce qu’on en a tous besoin.
(illusions)
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Sortie du disque le 2 novembre Achat sur le site pour 15€, port compris.
Sergio Leone, autrefois considéré exclusivement comme l’inventeur du western spaghetti, est un créateur aujourd’hui reconnu, cinéaste mélancolique et réflexif dont l’association légendaire avec Ennio Morricone a fourni quelques-unes des plus belles musiques au cinéma, de son premier western Pour une poignée de dollars à son opus testamentaire Il était une fois en Amérique. A l’occasion de la rétrospective de l’an dernier à la Cinémathèque parisienne, Thierry Jousse avait brossé un formidable portrait dans l’émission, hélas non reconduite, sur France musique, Cinémasong.
Combinant son amour du piano et du cinéma, Philippe Ghielmetti, dont on se souvient des album avec le pianiste Stephan Oliva sur Bernard Herrmann, mais encore sur le film noir, a rencontré en Bruno Angelini un autre partenaire idéal (dans Move is, le pianiste écrivait des musiques originales pour illustrer ses films préférés) : ils ont décidé de célébrer à leur manière ce génial tandem cinéaste/compositeur en adoptant un angle de vue original : découvrir l’homme, l’humaniste derrière le cinéaste dans un hommage en forme de piano solo. En s’attaquant à seulement deux films Le bon, la brute et le truand (1966) et Il était une fois la révolution (1971) dont Bruno Angelini se sert pour laisser filer sa rêverie.
Morricone et Leone formèrent un duo de légende, la musique jouant un rôle essentiel dans le cinéma de Leone. Dans la séquence du cimetière par exemple dans Le bon... est-ce la musique qui entraîne la mise en scène ou l’inverse? Les musiques, plus vraiment illustratives, étaient composées avant le tournage et jouées sur le plateau dans un rapport ambigu et décomplexé. La « révolution » que représentent ces films tient aussi dans le fait que musique et mise en scène se combinent dans des tours inattendus, amenant des surprises constantes dans ces films hors norme, icônes de la pop culture au même titre que les James Bond.
Des chœurs célestes alliés à des cris plaintifs ou sifflés ( le cri du coyote dans Le bon...) des instruments utilisés de façon insolite (harmonica), de brutales ruptures, voire des silences, un piano en cascade de notes et enfin des orchestrations d’une incroyable variété, une palette musicale allant d’un symphonisme très XIXème à un atonalisme contemporain (Ligeti...). C’est long, lent, hypnotique, intense.
Bruno Angelini consacre deux suites assez longues à chacun des films, une musique profondément élégiaque, un piano evansien, parfois rejoignant un certain minimalisme dans des mélodies entêtantes, des reprises en boucle. Curieusement, le pianiste ne reprend pas le fredon «Sean, Sean» d’ Il était une fois la révolution, mais des échos d’Il était une fois dans l’ouest dans le numéro 3 de la première longue suite «Giu la testa», titre original du film. Ceci n’est pas très important au fond, car il ne s’agit pas de reprendre mais de transposer dans l’imaginaire, le ressenti, d’interpréter en partant du souvenir de certaines séquences marquantes de films. Et il y a assurément une constante dans la musique de Morricone pour les œuvres de Leone. Les thèmes ou certains fragments, comme des fredons, reviennent par touches légères et le plus souvent allusives. La main droite s’autorise un lyrisme poignant. Fidèle au sens de l’orchestration de Morricone, Bruno Angelini a utilisé pour agrémenter son solo, exercice ô combien difficile, des effets sonores : boucles de fender, re-recording de piano, percussions, piano préparé. Car ce ne sont pas nécessairement les scènes les plus burlesques, ces «lent duels de héros mal rasés vus en gros plans» qui resteront en mémoire, mais les contextes historiques des révolutions mexicaine et irlandaise, les massacres rappelant les atrocités fascistes où les héros désabusés finissent par tisser des liens hors nature, «à la vie, à la mort». Une mélancolie militante que l’on saisit dans près d’une heure de musique prenante.
Sophie Chambon