ACM jazz label
https://www.youtube.com/watch?v=12o0fnvhCac
Pour son septième album, suite logique de Circumnavigation, l'ancien officier de la marine marchande, amoureux de Marseille depuis plus de vingt ans, a su, en bon capitaine garder le même équipage, au batteur près, des musiciens aux fortes personnalités qui savent aussi être «leaders», et qui nouent une joyeuse complicité, immédiatement perceptible sur scène.
Aux côtés du contrebassiste qui est l'auteur de toutes les compositions, on retrouve avec plaisir pour cette nouvelle aventure, Perrine Mansuy au piano, elle aussi venue s’arrimer à Marseille de même qu’un autre néo-arrivant, le Normand Christophe Leloil, à la trompette. Le batteur, Australien de Melbourne, Dylan Kent, est nouveau à bord, d’une discrétion tranquille et efficace. Chacun des albums du contrebassiste constitue une nouvelle page, un chapitre non moins essentiel de ce livre ouvert, d’une vie en musique. Très régulièrement, Christian Brazier met au point un nouveau projet dont la musique précisément juste, cohérente, toujours mélodique, laisse à tous un espace de jeu équilibré.
Le résultat s'entend dès le premier thème, « D’août », une musique forte, belle et libre, vibrante et lumineuse. Perrine Mansuy a un univers vite reconnaissable dont Christian Brazier avoue se sentir proche : pianiste singulière, elle sait être lyrique dans sa longue introduction sur ce thème avant qu’elle ne soit rejointe par les zébrures du trompettiste, éclats d’un jazz vif, solaire qui s’accorde à cette lumière si intensément violente en été dans le sud. « Sur le sentier de la guerre » introduit un rythme tonique, intense, d'une douce violence, très déterminée.
Une qualité de chant, indispensable à la création d'une atmosphère poétique et vibrante, anime toute la musique du contrebassiste : la composition, en majeur évidemment - le titre "Le Lac Majeur" nous en fournit d’ailleurs un indice, est une incursion dans un monde plus apaisé.
La trompette post bop de Christophe Leloil, «le plus jazz des quatre», hoquette, stratosphérise, vocalise aussi quand il le faut, avec élégance, jouant de contrepieds mélodiques ou rythmiques, passant de sensuelles arabesques à des dissonances fortes. C’est un duo impertinent, un rien frondeur sur le titre éponyme, qui débute une sorte de petite histoire sans parole, avant que la rythmique ne le rejoigne, fine et assurée, complétant le tableau.
Pourquoi Septième vague, au fait ? Le saviez-vous, c’est la plus belle, la plus forte, celle qui vous entraîne irrémédiablement vers le plaisir, disent les surfers. Et la rythmique que le contrebassiste forme avec Dylan Kent, jamais emportée ni obsessionnelle, sait mener à bon port. Juste dans le bon tempo, comme pour ce "J'sais pas quoi faire", évocation fugitive de Pierrot le Fou.
Avec ce septième album, qui pourrait lui porter chance auprès des programmateurs, Christian Brazier trouve un accomplissement avec prises de risque et ouverture au large : il atteint une sérénité enviable, avec cette joie toujours intacte à faire de la musique. S’il a toujours « la tête dans les étoiles », il sait aussi raison garder, pour ces chansons sur mesure, pour les musiciens de son groupe, s'adaptant aux couleurs, timbres, et personnalités de chacun. « Les pieds sur terre », on vous disait.
Sophie Chambon