CD 1 : Franco D'Andrea (piano), Dave Douglas (trompette), Han Bennink (caisse claire)
CD 2 : Franco D'Andrea Sextet avec F. D'Andrea (piano), Andrea Ayassot (saxophones alto & soprano), Daniele D'Agaro (clarinette), Mauro Ottolini (trombone), Aldo Mella (contrebasse), Zeno De Rossi (batterie)
CD 3 : Franco D'Andrea (piano solo)
Trois CD enregistrés en concert à Rome, Auditorium Parco della Musica : CD 1, 24 mars 2014 ; CD 2, 28janvier 2014 ; CD 3, 23 mai 2014
Parco della Musica Records MPR 071 CD / Egea ( www.egeamusic.com )
Plaisir renouvelé que de découvrir une nouvelle parution de ce musicien italien, pianiste majeur (ce n'est pas un hasard si Martial Solal, qui avait d'ailleurs donné un concert à trois pianos en sa compagnie, l'a convié à trois reprises au jury de son Concours international de piano jazz). Franco D'Andrea n'est peut-être par reconnu dans notre pays à sa juste valeur, mais chaque disque constitue l'occasion de rappeler son importance pianistique et musicale.
Le premier volume est un trio hors norme : piano, trompette et batterie (réduite à une simple caisse claire) . Le répertoire est des plus éclectiques : Lennie Tristano (Turkish Mambo) ; des standards (Goodbye, Undecided, Tiger Rag, Caravan) revus et corrigés -parfois sévèrement ; et des compositions du pianiste, et du batteur, le tout émaillé d'improvisations ouvertes des trois compères. Tout cela respire une absolue liberté, toujours à l'horizon d'une intelligence musicale aiguë, que l'on soit dans la conscience de l'instant, ou dans l'inconscient qui s'exprimerait par des incartades et des emportements.
Le deuxième CD, en sextette, fait la part belle à la musique de Thelonious Monk, dont les thèmes (Coming on the Hudson, Bright Mississippi, Monk's Mood, Epistrophy, Blue Monk) sont reliés par des intermèdes improvisés ou composés qui les magnifient. En écoutant Coming the Hudson, je ne peux m'empêcher de penser à la version conçue par André Hodeir, après plusieurs moutures antérieures, pour Martial Solal (« Solal et son orchestre jouent Hodeir », Carlyne, 1984). André Hodeir et Franco D'Andrea ont en commun l'exigence musicale, laquelle s'exprime chez le premier par un sérieux mâtiné d'un subtil humour ; et chez le second par un esprit libertaire des plus décapants. Et pourtant la musique de Monk est bien là. Tout au long de ce volume en sextette, Franco D'Andrea demeure constamment dans l'esprit du compositeur-pianiste, par l'arrangement comme dans les parties de piano, où il ne cède nullement au syndrome d'imitation, tout en respectant la pulsation claudicante qui fait le prix de cette musique ; et les solistes du sextette ne dérogent pas à cette libre fidélité. Surgissent ici ou là des citations furtives d'autres thèmes (Well You Needn't....), et Monk n'est jamais loin !
Le troisième disque, en solo, persévère un peu dans l'amour de Monk, musicien de chevet de Franco D'Andrea (son précédent disque « Monk and the Time Machine », paru en 2014, lui était déjà consacré, ainsi que quelques plages plus anciennes). Ici, rien qu'un Round Midnight d'anthologie, chaloupé tango, et tuilé avec Turkish Mambo de Tristano. Et toujours ce mélange de standards du jazz moderne (Naïma, Like Sonny) et de standards du passé (Gershwin, Jelly Roll Morton....), enchâssés dans des compositions de Franco D'Andrea. Un (très) grand Musicien, du (très) grand piano : on se précipite !
Xavier Prévost