La tradition a du bon. Le lundi à New-York, les amateurs de jazz peuvent depuis 1966 retrouver au Village Vanguard, l’orchestre maison, aujourd’hui le Vanguard Jazz Orchestra, qui a succédé en 1990 au Mel Lewis-Thad Jones orchestra (Resonance vient de publier un double cd d’inédits de 1966, All my yesterdays) et célébré son demi-siècle exactement le 8 février dernier. Un peu plus haut dans Manhattan, et un peu plus récent, le Mingus Big Band se produit aussi ce premier jour de la semaine avec une régularité de métronome sur la scène, en sous-sol, au Jazz Standard depuis 2008, après avoir fait, chaque jeudi, les belles soirées du Fez (aujourd’hui fermé) dès 1979, année du décès de Charles Mingus.
Sue Graham Mingus, la veuve du contrebassiste-compositeur, veille sur les prestations des formations portant son nom (Mingus Dynasty, Charles Mingus Orchestra, Mingus Big Band) maintenant la flamme de son bouillonnant époux, dès les premiers jours suivant son décès début 1979. Ce 11 avril, la gardienne du temple, est présente. Elle n’a guère changé depuis que nous l’avions rencontrée à Paris voici plus de dix ans pour la présentation de son livre, témoignage passionné (« Tonight at noon, a love story », Pantheon Books.2002 ; « Pour l’amour de Mingus ». Ed du Layeur.2013). Quand elle discute avec les musiciens de son orchestre et nous présente après le concert le trompettiste russe, Alex Sipiagin, on sent bien que c’est la boss.
Sur la scène, on a retrouvé la fougue de Mingus dans le morceau introductif, un des classiques de son répertoire, Boogie Stop Shuffle. Dirigée par le saxophoniste Alex Foster, le Mingus Big Band propose ce soir-là au concert de 19 h 30 (un deuxième a lieu à 21 h 30) un répertoire d’œuvres signées du bassiste ou composées en son honneur notamment par Joni Mitchell (album intitulé simplement Mingus publié en 1979). La voix est souvent à l’honneur avec le tromboniste Ku-Umba Frank Lacy, pilier du big band, qui a consacré l’an passé un disque en hommage à Mingus (Mingus sings. Sunnyside). C’est le cœur battant de la grande formation dirigée par le saxophoniste Alex Foster. Tandis que le contrebassiste (Ben Wolfe) fait le métier –mais qui pourrait aujourd’hui arriver même à l’épaule de Charles Mingus- se distinguent particulièrement Abraham Burton (saxophone ténor), Alex Sipiagin (trompette) et Jason Marshall (saxophone baryton).
Le personnel de la formation évolue naturellement au fil du temps mais Lacy et Burton figurent dans l’album qui recueillit un Grammy Award en 2011 dans la catégorie des grandes formations, Mingus Big Band Live at Jazz Standard (Jazz Workshop). Et vous pouvez faire confiance à Sue Mingus pour s’assurer que la musique proposée est fidèle à l’esprit de son créatif époux. Le public ne s’y est pas trompé ce lundi 11 avril en réservant un accueil respectueux –nous sommes dans un club-restaurant chic du Midtown-au Mingus Big Band.
Jean-Louis Lemarchand
Jazz Standard. 116 E 27 th Street, NY, Ny.11 avril. Mingus Big Band : Greg Gisbert,Tatum Greenblatt Alex Sipiagin (trompette), Alex Foster, Abraham Burton, Alex Terrier, Brandon Wright, Jason Marshall ( saxophone), Frank Lacy, Coleman Hughes, Dave Taylor (trombone), Donald Edwards (batterie), Ben Wolfe (basse), Theo Hill (piano).