Le roi René, René Urtreger par Agnès Desarthe
Ed.Odile Jacob. Avril 2016. 262 pages.21,90 euros.
Il dirigeait son trio (Pierre Michelot, basse, Christian Garros, batterie) qui en 1956 accompagnait lors d’une tournée européenne Lester Young et Miles Davis. Soixante ans plus tard, il participait à un septette de rêve (Texier, Goubert, Guillaume, Besson, Pedron, Laurent, Le Lann) pour les 60 ans (eh oui ! aussi) de l’Académie du Jazz le 8 février au Chatelet. Que s’est-il passé entre temps dans la vie de René Urtreger ? C’est ce parcours pas du tout académique qui nous est conté dans « Le roi René », ouvrage signé par l’essayiste Agnès Desarthe. Fruit d’une collaboration avec le pianiste, le livre évoque une vie tourmentée sur le plan professionnel et aussi personnel, sans céder au travers de l’hagiographie. En confiance avec son interlocutrice, René Urtreger se livre. Jacqueline Urtreger, son épouse, confie à Agnès Desarthe (p.244) : « Ce livre que tu écris, c’est comme un testament pour lui. Un message pour ceux qu’il aime, pour ceux qui l’aiment, mais aussi pour ceux qui ne l’aiment pas ».
On découvre cette jeunesse parisienne des années 40, ses jeux avec son cousin Georges Kiejman, sa fuite dans les Pyrénées, sa mère, Sarah, déportée (et qui ne reviendra pas), son retour à Paris, son échec au Conservatoire, son travail chez un tailleur trotskyste (boutonnières de manteaux pour dames). On retrouve une carrière d’exception, marquée par un succès précoce (avec comme symbole Ascenseur pour l’échafaud en 1957 (1)), une auto-destruction (excès en tous genres), une période yé-yé (dont il garde de bons souvenirs, notamment auprès de Claude François), un retour flamboyant, libéré de ses démons personnels, et une sérénité actuelle toujours empreinte de cette remise en question, marque des Grands du jazz. La lecture est facile, les anecdotes ne manquent pas mais on referme cette biographie avec le sentiment d’avoir approché de près un artiste dans ses joies, ses peines, ses doutes, un jazzman -il revendique l’appellation avec fierté- qui n’a jamais baissé les bras.
(1). La photographie de couverture signée Jean-Pierre Leloir présente René Urtreger le 4 décembre 1957 au Poste Parisien lors de l’enregistrement de la bande-son d’Ascenseur pour l’échafaud, de Louis Malle. L’original du cliché publié dans le livret du CD édité en 1988 par Fontana -Polygram, montre René debout aux côtés de Miles Davis, auteur de la musique du film, et de Barney Wilen, assis à la console du studio.
Jean-Louis Lemarchand