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Label MCO www.francktortiller.com
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Compositions, arrangements, adaptations, Franck Tortiller
Gershwin sera toujours à la mode. Ou d’actualité. On pourrait se poser la question de savoir s’il est utile, possible de le reprendre aujourd’hui encore, après des versions aussi « originales » que celle de Miles Davis pour Porgy and Bess dont Mederic Collignon s’est d’ailleurs inspiré à son tour... On s’aperçoit que de nos jours certains musiciens reprennent l’esprit, si ce n’est la lettre, de musiques passées. Dans ce sens, le groupe Post K, l’une des petites formations de l’ONJ Benoît, ne reprend pas du Gershwin-il le pourrait tout à fait, mais déconstruit librement la musique américaine des années vingt. Et le duo Oliva Foltz vient galement de concocter un programme très personnel, sobrement intitulé Gershwin, hommage à l’élégance, la modernité et l’énergie du compositeur newyorkais.
Frank Tortiller qui a l’habitude des grands orchestres –il a tout de même été à la tête d’un ONJ savoureux qui n’hésitait pas à aller voir aussi du côté du rock (on se souvient de son Tribute to Led Zep) s’associe cette fois encore, avec l’orchestre Pasdeloup, premier d’une longue lignée de formation symphonique qui fête ses 150 ans, sur des projets concernant le patrimoine musical. En 2007, au Châtelet, l’orchestre Pasdeloup sous la direction de Wolfgang Doerner et l’ONJ de Tortiller s’étaient déjà frotté aux airs de music hall et d’opérette. Ils récidivent en 2016 avec le trio virtuose du vibraphoniste/marimbiste composé du fidèle batteur Patrice Héral et du non moins fidèle contrebassiste Yves Torchinsky.
Ce que l’on observe et entend ici, c’est la finesse des orchestrations et arrangements à partir de pièces très célèbres, issues pour la plupart de l’opéra Porgy and Bess. Une introduction très originale de « My Man’s Gone Now » nous fait entrer dans la danse, suivie d’un « Bess, You is My Woman Now » plus classique. On admire le groove du batteur et du contrebassiste sur « Oh Lawd « I’m On My Way Now » », et la longue suite de « I loves You Porgy» introduit un moment d’apaisement et de sérénité. Le morceau de bravoure est peut être cette version de 14 mn du Concerto en Fa, captivante, qui swingue, file en crescendo ravelien : une véritable intensité de l’orchestre avec des courts inserts, des décalages du trio, où le vibraphone installe à merveille le climat. On en vient à se demander, non sans audace, pourquoi Gershwin lui-même n’y a pas songé tant le dialogue de Franck Tortiller avec l’orchestre est vif, pertinent. Tout est intense et cohérent, avec la part d’émotion inhérente à ce concerto. Voilà donc un rhapsodyinparis (sans la « Rhapsody in blue » au demeurant ni « Un Américain à Paris ») assemblage inédit (qui nous change de la prédilection piano/clarinette gershwinienne) qui se conjugue habilement à un orchestre symphonique en apportant ses couleurs et ses timbres. La relecture, si elle ne se veut jamais provocante, tire quand même des free sons, tant elle est capable de transposer sous une forme élaborée, la subtilité, les nuances de texture et de ton de l’original.
Une grande finesse dans ce programme qui intègre tous les titres, y compris la très réussie « Valse 4 » élégiaque de Tortiller et le final, clin d’œil à l’accordéoniste Tony Murena, le roi des balloches auxquels notre Michel Portal national ne manque jamais de rendre hommage. Ce qui confirme l’accord réussi de fougue et de raffinement d’un trio jazz avec une formation symphonique qui impriment à cette musique désormais classique, un authentique sens festif, chaleureux, populaire.