Franco D'Andrea (piano), Andrea Assayot (saxophones alto & soprano), Dj Rocca (percussions électroniques et traitement sonore)
Rome, 27 mars 2015 (CD 1) & 7 juin 2015 (CD 2)
Parco Della Musica MPR 077 CD / www.egeamusic.com
Après 50 ans de carrière, Franco D'Andrea reste un prospectif, un aventurier, un guetteur de sensations et d'expressions nouvelles. Ce n'est sans doute pas un hasard si un autre chercheur d'horizons neufs, Martial Solal, l'avait invité, dans les années 80, à jouer en trio de pianos, avec John Taylor, au Festival de Jazz de Paris. Martial l'avait aussi convié à trois reprises au jury du concours international de piano jazz qui porte son nom. Comme lui, Franco D'Andrea porte en lui, solidement ancré, l'idiome du jazz ; et comme lui il s'ingénie à en déborder les contours. Pour cette aventure il fait appel au saxophoniste Andrea Assayot, un partenaire familier
(voir la chronique d'un disque précédent sur Les DNJ), et à un pionnier des sons électroniques en Italie, Dj Rocca (Luca Roccatagliati). La partie se joue sur divers matériaux : des compositions-improvisations collectives, des compositions du pianiste (mais aussi de ses partenaires), et des standards du jazz signés Ellington, Strayhorn ou Coltrane. Cela commence par un dialogue rythmique avec ses acolytes : c'est puissant, plein d'imprévu, d'une réjouissante liberté tonale et de phrasé. Dj Rocca agit autant par percussions échantillonnées que par traitement sonore des instruments en temps réel, ou par inclusion, inattendue mais pertinente, de sons numériques prompts à faire rebondir le discours. C'est très vivant, mais la pensée ne désarme pas devant d'éventuels automatismes. Bientôt, par tuilage après un dialogue sax soprano / traitement électronique, puis une composition du pianiste en forme de blues dévoyé par des escapades hors tonalité, surgit Single Petal of a Rose, emprunté au répertoire du Duke, joué avec intensité, et parsemé de lacérations électroniques. On va ainsi d'étonnement en surprise, l'attention ne faiblit pas, jusqu'au Naima qui conclut la dernière plage du second CD, enchâssé dans une séquence où le traitement électronique s'est emparé de tous les sons instrumentaux. Le pianiste, au fil des plages, déploie toutes les ressources, considérables, de son jeu : nuances, phrases anguleuses « à la Tristano », large utilisation de la palette de l'instrument, dans l'harmonie assumée comme dans la dissonance hardie. Ce double CD vaut vraiment le détour, pour peu naturellement que l'on soit ouvert à l'aventure sonore, c'est à dire vraiment mélomane !
Xavier Prévost
Un aperçu sur Soundcloud
https://soundcloud.com/dj-rocca/franco-dandrea-electric-tree