![Festival de Radio France & Montpellier Occitanie : bilan jazz d'un festival](https://image.over-blog.com/TvHMirg4bxXnYcEeCfVwK1-zid0=/fit-in/600x600/filters:no_upscale()/image%2F1365231%2F20160728%2Fob_325ebf_canonge-zenino-et-amphi-david-abecas.jpg)
Samedi 23 juillet, Mario Canonge-Michel Zenino 5tet ©David Abécassis
.
Dix jours écoulés depuis le premier concert de jazz du Festival de Radio France & Montpellier Occitanie (nouvelle appellation contrôlée depuis la fusion du Languedoc Roussillon avec Midi Pyrénées). Dix jours de concerts à 22h dans le très grand Amphithéâtre du Domaine d'O, et un bilan globalement plus que positif : très beaux concerts, grande diversité, et belle fréquentation du public, lequel donne toute les apparences de la satisfaction.
Début dans l'euphorie avec le duo André Minvielle / Jean-Marie Machado : d'abord solo de l'un, puis de l'autre, et ensuite duo autour de Bobby Lapointe (un projet commun qu'ils ont donné de nombreuses fois), mais aussi du répertoire du chanteur-scatteur-vocalchimiste, avec passage par Mingus et Monk. Quelques beaux moments de folie douce.
Puis, dans le cadre du thème général du festival, qui est cette année « Le Voyage d'Orient », présence du « Golan Sextet » du contrebassiste Hubert Dupont. Avec un violoniste tunisien, une flûtiste d'origine syrienne, un percussionniste et un joueur de oud originaires de Palestine, un beau croisement des musiques de Méditerranée orientale avec le jazz, représenté par le contrebassiste, et Matthieu Donarier qui officiait à la clarinette métal. Belle réussite, avec des solistes exceptionnels, et certains arrangements très jazz sur ce terreau d'orient.
Le lendemain, « Carte blanche » au pianiste Dan Tepfer. Il a invité des artistes auxquels le lient d'anciennes connivences (la chanteuse Claudia Solal, le contrebassiste François Moutin) et un batteur avec lequel il s'est découvert plus récemment des affinités : Arthur Hnatek. Sur scène deux pianos : un grand Steinway, et un plus petit Yamaha, modèle Disklavier, à interface midi. Dan Tepfer, de culture scientifique de haut niveau, pratique depuis sa jeunesse la programmation informatique. Et il écrit sur son ordinateur, pour ce dispositif, des algorithmes conçus pour faire réagir la partie active et autonome de l'instrument à ce qu'il joue lui-même au clavier. Et il jouera successivement du piano de concert et du piano à interface. Avec ce dernier, il fera trois duos, ayant chaque fois créé un programme spécifique pour ses interlocuteurs et son interlocutrice : fécond et passionnant. La musique sans assistance des machines aura aussi sa place, avec un solo sur et autour de Bach (3ème Variation Goldberg) ; un très beau duo avec la chanteuse, sur Lush Life ; et un trio très effervescent avec le bassiste et le batteur. Le tout conclu par un quartette autour du Disklavier, sur une fractale conçue par Dan Tepfer, pour la circonstance, et dont la représentation visuelle évolutive s'affichait sur un écran géant à mesure que la musique se développe. Un article plus détaillé sur l'aspect informatique et musique viendra bientôt sur une autre page du blog, et sera développé dans les mois qui viennent par un entretien avec l'artiste, et un work in progress en vidéo.
Le jour d'après ce fut un autre pianiste, Michael Wollny, en trio : beau mélange d'atmosphères sombres empruntées au répertoire « classique » (Guillaume de Machault, Paul Hindemith, Alban Berg), très transformé, et de débauche d'énergie virtuose, avec une interaction impressionnante entre les membres du trio.
Puis ce sera le saxophoniste portoricain Miguel Zenon, avec son quartette régulier, où brille en particulier le pianiste vénézuélien Luis Perdomo. Richesse rythmique, belles improvisations mélodiques, constructions savantes ou tourneries entêtantes : la musique est de haut vol, le répertoire est celui d'un disque à venir, début 2017, qui devrait s'intituler « Tipico ».
La soirée suivante, à nouveau inspirée par la thématique orientale du festival, accueillait le groupe « Ethics » du contrebassiste Michel Benita, avec Mieko Miyazaki au koto, Matthieu Michel au bugle, Manu Codjia à la guitare, et Philippe « Pipon » Garcia à la batterie. Musique qui naît dans le recueillement pour ensuite exploser dans l'intensité expressive : grande réussite musicale, et gros succès public.
©David Abécassis
La semaine, commencée le dimanche 17, s'achève le samedi 23 avec le quintette qui associe le pianiste Mario Canonge et le contrebassiste Michel Zenino. L'esprit est celui du jazz des années 60, celui qui s'épanouissait sous étiquette Blue Note avec Herbie Hancock, Freddie Hubbard, Joe Henderson.... Très bon groupe, très homogène, avec un batteur guadeloupéen, un trompettiste américain, et un saxophoniste cubain. Effervescence maximale dans l'Amphithéâtre, et confirmation que Mario Canonge est un grand pianiste de jazz.
.
Le dimanche 24 juillet, le jazz fait relâche pour cause de Carl Orff. Contrairement à Woody Allen, je n'ai pas envie d'envahir la Pologne quand j'écoute Wagner. En revanche, les Carmina Burana auraient une fâcheuse tendance à réveiller en moi des instincts belliqueux. Donc, prudemment, je me suis abstenu....
La reprise du jazz, le 25 juillet, se fit en beauté, avec le trio « Fox » : Pierre Perchaud, Nicolas Moreaux, et à la batterie, remplaçant Jorg Rossy qui participait au CD, Karl Jannuska. Très belle musique, d'apparence intimiste, et pourtant porteuse d'une flamme intense, attisée par le drumming raffiné et pulsatoire du canadien. Lyrisme superlatif du guitariste, et formidable drive du contrebassiste, présent à chaque instant dans le trilogue : vraiment très réussi.
La conclusion, le 26 juillet, se fit en compagnie du groupe Pucinella : déjanté, fédérateur et efficace, avec une mention spéciale pour le saxophoniste-flûtiste Ferdinand Doumerc, décidément porteur d'une incroyable énergie, combinée avec une incontestable virtuosité.
Au fil des jours, chaque soir à 20h30, la pinède du Domaine d'O accueillait un avant-concert avec des groupes de la région, d'une belle tenue musicale. Le plus originale et le plus abouti fut peut-être, le premier soir, le duo « Connie & Blyde », qui associe la chanteuse Caroline Sentis au violoncelliste Bruno Ducret. Et peut-être aussi, l'avant dernier soir, la renaissance du groupe vocal Elull Noomi, qui en 2008 avait eu les honneurs de la grande scène.... mais se trouvait fort heureux, pour sa reprise, d'avoir fait escale à la pinède.
Au total un bilan réjouissant, sur le plan de la qualité artistique et de la diversité du programme, lequel fut conçu par Pascal Rozat pour l'Amphithéâtre, et par Serge Lazarevitch pour la pinède.
Xavier Prévost
Les concerts sont en réécoute sur le site de France Musique :