Claudia Solal (voix, textes, composition), Benjamin Moussay (piano, piano électrique, synthétiseurs, électronique, composition)
Malakoff, 2015
Abalone AB 031/L'Autre distribution
Voici vingt ans ils jouaient en quartette. Depuis 2003, ils se retrouvent aussi en duo. Et après «Room Service», de son quartette Spoonbox, publié en 2010 sous le même label, Claudia Solal a invité Benjamin Moussay à élaborer le répertoire de ce duo résolument inclassable. Enregistré voici près de deux ans, l'objet arrive enfin jusqu'à nos oreilles étonnées, et conquises. L'univers rappelle un peu celui du tandem John Greaves/Peter Blegvad, et aussi dans une moindre mesure l'entour de Robert Wyatt ; le jazz est dans les parages, mais l'univers musical embrasse un champ plus large. Les textes de Claudia Solal, mitonnés dans un anglais très riche (héritage de sa grand-mère écossaise ?), transformeraient volontiers des comptines enfantines en contes surréalistes. La musique, concoctée par le pianiste et la chanteuse, est sinueuse à souhait, glissant parfois avec force chromatismes comme un ruban onirique vers une sorte de sérialisme tempéré par l'émoi, et vers le souvenir des répétitifs américains. Le traitement du son est remarquablement enrichi par le dispositif Sensomusic Usine, conçu par une musicien que le jazz avait vu éclore, le contrebassiste Oliver Sens. Les deux partenaires ont travaillé longuement autour d'improvisations et d'interprétations expérimentales, fruit de leur travail sur les deux registres, pour finalement nous offrir l'objet, très abouti, de leur connivence. La convergence texte/musique est remarquable, dans l'accord comme dans la tension. C'est une sorte d'invitation au voyage : «Il est un pays superbe, un pays de cocagne....» ; mais aussi : «Là, tout n'est qu'ordre et beauté, luxe, calme et volupté». En fait, ce sont plusieurs voyages, parallèles ou croisés, auxquels nous sommes conviés, et même embarqués. Laissons nous porter, le calme engendre aussi de turbulents remous. C'est un disque de chansons sophistiquées, apparentées au jazz, dans ses acceptions les plus larges. À écouter avec un œil sur les textes (inclus dans le livret) car ils en valent vraiment la peine. Bref, exactement ce qu'il faut pour espérer découvrir, un jour, «Tout un monde lointain».
Xavier Prévost
Le duo sera en concert le 17 octobre à Toulouse (Jazz sur son 31), le 18 à Nantes au Pannonica, le 21 aux Lilas (Le Triton), puis en novembre le 12 à Strasbourg (festival Jazzdor), le 13 à Nevers (festival D'jazz), et le 23 à Lens (festival Tout En Haut Du Jazz)
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