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4 octobre 2017 3 04 /10 /octobre /2017 11:10

Les concerts 'Jazz sur le Vif' de Radio France entament une nouvelle saison, et pour l'occasion Arnaud Merlin a choisi de célébrer le 20ème anniversaire du Caratini Jazz Ensemble, avec aussi en première partie le trio d'un des membres de l'orchestre : Matthieu Donarier

Nouveauté de taille : pour cette nouvelle saison tous les concerts se dérouleront dans le grand studio 104, salle mythique qui accueillit Thelonious Monk, Bill Evans, Ahmad Jamal, Hampton Hawes, Stan Getz, Dizzy Gillespie, Keith Jarrett et plus récemment quelques autres du même tonneau, parmi lesquels, en octobre 2016, Martial Solal et Dave Liebman, en duo. Concert exceptionnellement à 20h30 pour ce premier concert, et plus habituellement à 20h.

MATTHIEU DONARIER TRIO

Matthieu Donarier (saxophone ténor), Manu Codjia (guitare), Joe Quitzke (batterie)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 30 septembre 2017, 20h30

Dix-huit ans après avoir remporté le Concours National de Jazz de La Défense, le trio est toujours aussi solide, soudé et collectif dans sa pratique de la musique. Il jouait ce soir-là quelques unes des pièces de son troisième disque, «Papier Jungle» (Yolk/L'Autre Distribution), enregistré en 2014 et publié l'année suivante. Les versions sont évidemment étoffées par la liberté du concert. C'est intense, lyrique, plein de rebondissements et d'interactions entre les trois partenaires, un régal pour qui aime la musique vraiment vivante ! Si l'extraordinaire pertinence musicale de chacun se dévoile davantage quand il est soliste (la batterie sur des ostinatos du sax et de la guitare ; l'envol de la guitare-orchestre, quand Manu Codjia joue des lignes de basse sous son chorus au point qu'il semble être plusieurs ; l'improvisation du saxophone qui paraît induire une partition instantanée chez ses acolytes...), l'ensemble relève d'une sorte de magie, aussi claire dans son évidence que noire dans ses méandres. Et l'on va ainsi d'un thème à l'autre, jusqu'au moment où, pour présenter Lugubre Gondole de Liszt (métamorphosée évidemment) Matthieu Donarier nous raconte avec une douce ironie l'histoire d'un compositeur mégalomane qui n'estimait pas son beau père à sa juste valeur, lequel pourtant, quoique fort âgé, eut le bon goût de lui survivre, composant cette évocation de la gondole qui conduisait le corps de Wagner vers ses funérailles vénitiennes, avant le retour post mortem à Bayreuth. Et le concert s'est conclut avec une belle composition du saxophoniste Alban Darche pour ses amis, intitulée Bleu Céleste. Belle conclusion, à la hauteur d'un concert vraiment exceptionnel. 

 

CARATINI JAZZ ENSEMBLE

Patrice Caratini (contrebasse, direction, arrangements, et une grande partie des compositions), Sara Lazarus (chant), Matthieu Donarier (saxophones ténor & soprano, clarinette basse, clarinette métal), Rémi Sciutto (saxophones sopranino, alto et baryton, clarinette, flûte, piccolo), Claude Egea, Pierre Drevet (trompette & bugle), Robinson Khoury (trombone), François Thuillier (tuba), David Chevallier (guitares, banjo), Alain Jean Marie, Manuel Rocheman (piano), Thomas Grimmonprez (batterie), Sebastian Quezada (percussions)

Paris, Maison de la Radio, studio 104, 30 septembre 2017, 21h45

   Le Caratini Jazz Ensemble répète pendant la balance   

Pour fêter les vingt ans de cette belle phalange (à géométrie variable selon les programmes), Patrice Caratini a choisi de présenter un florilège des pièces jouées dans les différents projets, et les différents disques, de ces deux décennies. Il en offre simultanément une synthèse sur CD («Instants d'Orchestre», Caramusic/L'Autre distribution), et ce sont la plupart de ces œuvres qu'il a jouées pour nous. En ouverture la sonorisation fait entendre le West End Blues, enregistré par Louis Armstrong en 1928. Les musiciens entrent progressivement sur scène, et le contrebassiste-leader arrive le dernier, pour attaquer dès la coda du disque d'Armstrong East End Blues, qu'il avait composé pour le disque «Darling Nelly Gray», enregistré en 1999. Après un break de trombone de Robinson Khoury (remplaçant occasionnel, brillant et prometteur de Denis Leloup), Rémi Sciutto nous gratifie d'un solo qui pourrait bien atterrir du côté de Night in Tunisia.... Puis c'est une très belle (et très mélancolique) ballade composée par Alain Jean Marie, et magnifiée par la plume de l'arrangeur, qui inspire le pianiste quand son tour est venu d'improviser, avec le plus grand lyrisme. Le concert est parsemé de petites miniatures, principalement pour tuba, et issues du disque «From the Ground» (2003), tout comme, vers la fin du concert, Pinta, et aussi To the Clouds, une variation autour de Nuages de Django Reinhardt. Entre les pièces inspirées par le jazz des origines et d'autres qui tendent l'oreille vers le futur déjà présent, Patrice Caratini nous offre une vision large du jazz, sa vision, nourrie de multiples sources (latines, caribéennes, ou résolument contemporaines). Dans le programme également, des thèmes qui ne figurent pas sur le disque-mémoire, comme Petite Louise, de Michel Petrucciani, ou Lys, une courte pièce (50 secondes !) qui permet au contrebassiste de faire avec humour une présentation digne de l'univers de la musique contemporaine, où parfois le discours d'escorte est plus long que l'œuvre elle-même.... Difficile de détailler chaque moment du concert, de citer tous les solos (c'est, comme de tradition dans le jazz, un orchestre de solistes qui jouent collectif), mais il me faut évoquer un instant rare : l'arrivée de Sara Lazarus pour chanter deux chansons de Cole Porter (souvenir du disque «Anything Goes», enregistré en décembre 2000), What is this Thing Called Love, version plus que lente avant de plonger up tempo dans Hot House, et My Heart Belongs to Daddy, d'une manière qui rendra caduque à jamais la version de Marilyn Monroe. Décidément, Sara Lazarus est une chanteuse vraiment exceptionnelle ! Bref la soirée fut un régal pour tous ceux, fort nombreux, qui s'étaient pressés au studio 104. Restent les auditeurs de France Musique, qui espèrent toujours une diffusion régulière de ces concerts. Faudra-t-il attendre l'été prochain pour les voir aboutir sur les ondes, comme ce fut le cas pour la saison 2016-2017 ? Les jazzfans (dont je suis !) espèrent que non....

Xavier Prévost

 

Le Caratini Jazz Ensemble donnera un concert le 8 novembre à la Scène Nationale Les Gémeaux de Sceaux

http://www.lesgemeaux.com/spectacles/caratini-jazz-ensemble/

 

Le programme de la saison 'Jazz sur le Vif'

http://www.maisondelaradio.fr/concerts-jazz

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