Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
20 octobre 2017 5 20 /10 /octobre /2017 09:08
LOOKING FOR ORNETTE

 Looking for Ornette

Un film de Jacques Goldstein, 2016

Complément « Ornette apparitions » Stéphane Jourdain

Sortie DVD le 24 octobre

La Huit

 

Ce double DVD présente une approche précise du saxophoniste texan, où l’auteur part à la recherche de ce fantôme qui hante le jazz, cette personnalité étrange, demeurée mystérieuse dont l’œuvre conserve intacte l’émotion d’une première écoute.

 

On entend cette phrase « Beauty is a rare thing…  Y être et ne pas être » de Ralph Ellison dans L’homme invisible , 1952. Il y a quelque chose de comparable dans la personnalité et la vie de ce musicien qui apparaît par intermittence. En 1959, quand sort The Shape of Jazz to come,  Ornette Coleman vit alors sous terre. A la surface, l’industrie du disque, florissante, est tenue par des Blancs qui affectionnent un jazz autre, celui de la West Coast. En une poignée d’albums, il fait émerger une autre musique si singulière qu’elle nous affecte encore. Une musique systémique, harmolodique, structurée qui inclut l’improvisation libre. On a parlé de free jazz, changeant la perspective musicale : « Ce n’est pas un autre jazz, mais une musique autre, créative» entend-on dans le documentaire. Phrase on ne peut plus juste, car aucun système n’est libre totalement. La musique d'Ornette est langage, progression, avec cette façon de passer d’une note à l’autre, de voyager entre des idées.

Avec l’aide de personnalités du jazz, de musiciens qui l’ont approché, ont joué avec lui, à travers des fragments (interviews, extraits de concerts anciens, jeu en live de musiciens dans les rues de NY, toutes ces pièces remontées de 2003 à 2016), il ressort un portrait en creux, passionnant car il éclaire la musique de ce saxophoniste qui continue à avoir une influence considérable, d’où le deuxième DVD, de 2016 de Stéphane Jourdain qui cerne dans Apparitions, la musique du saxophoniste Antonin Tri Hoang de l’ONJ Yvinek qui essaie de lancer des ponts, des connexions.

La musique d’Ornette Coleman n’est pas facile, Steve Lacy évoque un discours proche d’une technique de « destruction-reconstruction » mais si on s’immerge dedans, on finira peut être par lire un « jazz secret ». Ce qui peut demander un effort, du travail, car cette musique n’est pas facile, accessible à tous, rapidement, comme celles de Duke ou même de Miles (en apparence du moins).

Il faut élargir son champ d’écoute, accepter si ce n’est adopter, ce son nouveau, « cet air qui passe dans son sax et fait sens ». Il ne représente peut être pas un point de vue, un style mais simplement lui-même. Aldo Romano parle de sa légèreté, d’une fragilité qui en fait un « Douanier Rousseau du jazz », qui restera un mystère. Peut-être nous manque-t-il alors un approfondissement, à la façon d'Henri Georges Clouzot qui réalisa Le Mystère Picasso avec la complicité amusée du peintre. Comme Ornette avait le sens de sa valeur, il se faisait rare, demandant des sommes astronomiques et ne se plaignait jamais du chemin difficile qu’il suivait, qu'il s'imposait volontairement. Très pauvre, il lui arriva de jouer avec un saxophone en plastique et pourtant se souvient Joachim Kühn, il écrivait jusqu’à dix compositions par concert «  on vérifiait la mélodie et je faisais les accords ».

Tous ceux qui l’ont approché évoquent encore, comme la pianiste Myra Melford, un engagement de toute une vie, une ascèse qui conduit à la liberté et là, vraiment, on peut utiliser ce mot de « libre » de façon pertinente.

 

Sophie Chambon

LOOKING FOR ORNETTE
Partager cet article
Repost0

commentaires