Claude Carrière
The extravagant Mister Gillespie
Coffret de 3 cds Cristal records
Vol 1 Small groups/ vol 2 Big bands/ vol3 Latin Dizzy
Voilà une formidable compilation/anthologie due à ce cher Claude Carrière qui a animé certaines des plus intéressantes émissions de radio consacrées au jazz de 1975 à 2008, de la formidable série « Tout Duke » au Jazz Club avec Jean Delmas. Sans compter ses chroniques dans les grands journaux de jazz, son activité actuelle de Président de l’Association
Il est l’initiateur, l’auteur des séries thématiques de OSD, toujours sur le label Cristal records qui déclinent le jazz selon diverses thématiques : les saisons, le calendrier des mois, les instruments…
Le voilà qui s’attelle à une grande injustice, réparer le (relatif) oubli dans lequel est tombé John Birks « Dizzy » Gillespie. En cette année 2017 finissante qui a célébré le centenaire de grands artistes de la musique ou du cinéma (JP Melville, Danielle Darrieux), on a fêté en grande pompe, la vocaliste Ella Fitzgerald, le pianiste Thelonius Sphere Monk et quelque peu négligé le trompettiste-compositeur-chef d’orchestre, créateur du be bop aux côtés du formidable Charlie Parker.
S’il n’est pas de mois où l’on évoque sur les couvertures de magazines, la figure légendaire de Miles Davis, quand ce n’est pas un biopic assez maladroit, il n’est jamais question du génial Gillespie qui connut une belle longévité (à vingt ans, il jouait à Paris dans l’orchestre de Teddy Hill), et ne se fit pas remarquer par les excès hélas fréquents à l’époque dans le monde du jazz. En somme une vie et carrière plutôt exemplaires. Un musicien hyperdoué qui n’hésitait jamais à faire le pitre sur scène pour continuer à avancer,caché, et lutter à sa façon pour le combat des Civil Rights.
Il est donc particulièrement agréable de célébrer cette belle initiative de la part de l’un des spécialistes du jazz. Ce coffret à prix doux présente ainsi 3 CDS qui retracent une créativité jamais en berne, une virtuosité et une joie de vivre au service d’une musique aimée et parfois problématique. Le premier CD part donc des débuts du bop à la création de petits groupes. Diz et Bird en quelques séances en 1945 vont changer la face du jazz. Ce sont les 5 premiers titres du CD1, Dizzy jouera encore épisodiquement avec Parker en 1950 et jusqu’en 1953, puis fondera seul des petites formations avec Stan Getz, Sonny Stitt, Sonny Rollins, John Coltrane dès 1949.
Celui qui fut la terreur des trompettistes avec sa drôle de trompette coudée dont il arriva à sortir les sons les plus fous en soufflant de ses joues gonflées comme celles d’un crapaud, entretint aussi des grands orchestres où il prit ses solos d’anthologie (c’est le second CD), tout ne se révélant un formidable arrangeur avec Tadd Dameron et Gil Fuller. On retrouvera aussi à la fin du Cd des plages avec Duke Ellington ET Lalo Schiffrin (« Gillespiana »)
Diz est enfin reconnu comme le pionnier du latin jazz, le jazz « afro cubain » avec ses formations accueillant le génial Chano Pozo aux percussions congas dès 1947. « Tin Tin Deo », « Manteca », « Algo Bueno »…
Ce coffret, on le voit est une excellente opportunité de redécouvrir ce musicien extraordinaire, extravagant et essentiel dans l’histoire du jazz que l’on aurait tort de négliger aujourd’hui. Oubli un peu réparé grâce au travail de Claude Carrière.
Dizzy qu’on l’aime.
Sophie Chambon