2017 aura été, ad nauseam, l'année des centenaires : un siècle de jazz, si l'on considère que l'histoire commence avec l'enregistrement de l'Original Dixieland Jazz Band, et multiples célébrations d'artistes nés en 1917, de Thelonious Monk à Ella Fitzgerald en passant par Dizzy Gillespie, avec aussi quelques oubliés d'importance, que l'on n'a guère célébrés : Tadd Dameron, Denzil Best, J.C. Heard, Lena Horne, Charlie Chavers, Buddy Rich, Robert Mavounzy....
Le chroniqueur avec son 33 tours 25cm original de Theolonious Monk (sic ! ), solo Paris 1954, acquis dans ses années lycéennes du milieu des sixties....
Thelonious Monk aura été le mieux servi, avec l'exhumation des séances enregistrées en 1959 pour le film Les Liaisons dangereuses 1960, de Roger Vadim : plages inédites au disque, alors que les contributions d'Art Blakey avaient été publiées à plusieurs reprises. Barney Wilen figurait dans les deux groupes, et la parution des plages de Monk est une belle entreprise, à laquelle a participé le regretté Alain Tercinet, disparu au début de l'été dernier. Et même si Charlie Rouse ne joue pas toujours très juste, c'est un beau cadeau fait aux amateurs (chronique de Jean-Louis Lemarchand ( http://lesdnj.over-blog.com/2017/06/thelonious-monk-les-liaisons-dangereuses-1960.html ). Monk encore, avec la réédition augmentée du célèbre solo de 1954 pour Vogue, avec des inédits, à nouveau l'irremplaçable contribution de Daniel Richard, le coup de main d'Alain Tercinet là encore, et un texte éclairant de Laurent de Wilde (Th. Monk « Piano solo, Paris 1945, The centennial edition », Legacy Jazz Connoisseur / Sony music). Laurent de Wilde que l'on retrouve au piano et en trio dans une célébration du pianiste (chronique de J.L. Lemarchand http://lesdnj.over-blog.com/2017/10/laurent-de-wilde.new-monk-trio.html ). Autre célébration, celle réalisée par le saxophoniste Xavier Richardeau (chronique de J.L. Lemarchand à nouveau http://lesdnj.over-blog.com/2017/11/boo-boo-s-birthday.xavier-richardeau-plays-monk.html ), et celle du jeune prodige dont tout le monde s'émerveille : Joe Alexander (« Joe.Monk.Live ! », Motéma/pias) : enregistré en concert au Lincoln Center, ce disque est une approche très personnelle et plutôt mature d'un répertoire périlleux. On peut conclure le chapitre du Moine sphérique avec un inédit de concert, « Live in Rotterdam 1967 » (Fondamenta-Lost Recordings/Sony music). Inédit ? Pas totalement, car des plages figuraient sur une édition plutôt pirate en vinyle. C'est le début de la tournée de ce quartette augmenté en nonette (avec Clark Terry, Ray Copeland, Jimmy Cleveland, Phil Woods et Johnny Griffin) : on peut préférer (si on le trouve !) le disque enregistré à Paris six jours plus tard (Thelonious Monk Nonet « Live in Paris 1967 », Esoldun France's concert FCD 113), car là l'orchestre est vraiment rodé....
Après cette débauche de célébrations monkiennes, Dizzy Gillespie fait presque figure de parent pauvre, alors que sa contribution à la révolution du jazz dans les années 40 ne fut pas moindre. Heureusement une très belle anthologie en 3 CD signée Claude Carrière lui rend justice (chronique de Sophie Chambon http://lesdnj.over-blog.com/2017/11/claude-carriere-the-extravagant-mister-gillespie.html ). À quoi s'ajoute un inédit de concert « Live at Singer Concert Hall 1973 » (Fondamenta-Lost Recordings/Sony music), enregistré au festival de Laren, aux Pays-Bas. Inédit, assurément, plaisant, avec présentation par le leader dans un registre d'humour décalé, ambiance caribéenne, et quelques beaux moments, dont un thème dédié à Martin Luther King, et un blues avec en invité John Faddis. Mais on n'est pas au niveau du Gillespie des années suivantes sous le label Pablo : duo avec Oscar Peterson, grands concerts de Montreux, etc....
On ne peut évidemment clore ces centenaires 2017 sans évoquer Ella Fitzgerald, avec un coffret de 5 CD recensé par J.L. Lemarchand ( http://lesdnj.over-blog.com/2017/04/100-titres-pour-le-centenaire-d-ella.html ) et une belle surprise, « Live at the Concertgebouw 1961 » (Fondamenta-Lost Recordings/Sony music), enregistré la veille du concert de Berlin 1961 (« Ella Returns to Berlin ») qui donnait la réplique à celui, légendaire, de 1960 (« Mack the Knife, Ella in Berlin »). Ce n'est pas un inédit mais c'est une édition avec un traitement du son particulièrement soigné. Ella fait preuve d'une grande liberté dans ses improvisations, elle se trompe sur Mr Paganini et s'en sort par une pirouette, et si le Mack the Knife ne fait pas oublier celui de Berlin l'année précédente, le Saint Louis Blues est d'anthologie. On ferme donc le registre du centenaire, en se disant que l'année aura réservé quelques belles résurrections.
Xavier Prévost