Enja 2017 - Yellow bird .
L'autre Distribution
Ron Miles (cnt), Bill Frisell (g), Jason Moran (p), Thoms Morgan (cb), Brian Blade (dms)
En cette toute fin d’année, c’est un véritable cadeau du ciel que de découvrir ce nouvel album de Ron Miles, même si ce dernier nous a habitué à accumuler autant de perles qu’il faut pour en faire un objet précieux du jazz. Il faut dire qu’à 54 ans le trompettiste a jour avec ce qui se fait de mieux sur la planète du jazz américain. Associé parfois à Joshua Redman, à Myra Melford, à Don Byron et j’en passe.
Précieux et rare. Le trompettiste de Denver nous arrive en effet avec une formation aussi inédite que surprenante. Un quintet juste éblouissant, qui nécessitait, pour les réunir et les mettre en musique, un sacré talent d’écriture. Certes Ron Miles avait déjà joué avec Bill Frisell et Brian Blade. Mais mettre côte à côte le blues des hautes plaines de Bill Frisell et celui, destructuré et plus Monkien de Jason Moran, sur le papier n’allait effectivement pas de soi.
Et au final Ron Miles nous livre une oeuvre pleine et totalement aboutie où l’écriture sublime tutoie les anges et les invite à une table autour de laquelle tout n’est que luxe, calme volupté… et harmonies. Ce qui n'est pas le moindre des paradoxes s'agissant d'un album politiquement teinté de révolte mais dans lequel Miles y affirme surtout son identité d'être humain.
Il y a dans la musique de Ron Miles, des espaces flottants, des rencontres aussi, des mélodies toujours diffusées avec grâce et intelligence et enfin l’empreinte d’un jazz qui vient de loin et d’hier. Le blues est toujours là, tapi quelque part entre deux renversements harmoniques.
Mais ce blues-là porte avec lui des émotions humaines et une expressivité rare. Parce que, bien que cadrée dans une forme écrite, la musique de Ron Miles laisse beaucoup d’espaces à ses interprètes, elle parvient à nous faire entendre ce que l’on veut entendre. Abstract art.
Et le voyage qu’il nous propose nous emmène loin. Là-haut.
Jean-Marc Gelin