Orchestre National de Jazz
Concert anniversaire des 30 ans à la Cité de la musique (Festival de Jazz à la Villette) 2 septembre 2016.
Coffret CD et DVD édition de luxe (disponible dès le 27 avril 2018)
ONJ records/ L'autre Distribution
Captation son RADIO FRANCE
Captation video Oleo
Onze grands orchestres au format variable entre dix et vingt six musiciens (pour seulement dix chefs dont un Italien, Paolo Damiani) ont vécu cette formidable traversée chronologique du jazz en France depuis François Jeanneau qui inaugura l'outil ONJ (http://www.onj.org), en 1986 au théâtre des Champs Elysées jusqu'au petit dernier, Olivier Benoît (2014-2018).
Quelques remarques préliminaires: l' ONJ de François Jeanneau a vraiment essuyé les plâtres avec une seul année de mandat, certains orchestres ont duré deux ans, les autres trois ; Daniel Yvinec, devenu le premier directeur artistique d'une formule renouvellée est resté cinq ans et Olivier Benoît, l'actuel titulaire, quatre ans. Claude Barthélémy est le seul à avoir eu deux mandats à différentes époques (1989-1991) et (2002-2005).
L'ONJ, subventionné par le ministère de la culture pour diffuser du jazz contemporain est le seul exemple de ce type en Europe, un outil de travail unique pour chaque génération qui monte.
La musique "passionne" le temps, l'aventure devient esthétique mais on ne prend pas toujours suffisamment en compte les risques encourus par chaque orchestre. Le chef ou D.A qui change régulièrement pour éviter la routine, est "responsable" du casting, du programme et de la ligne artistique. Autant dire que l'ONJ en a vu et entendu de toutes les couleurs : un formidable laboratoire expérimental, une machine trop onéreuse, l'arbre qui cache la forêt des autres grands formats, le tremplin idéal pour de nouveaux talents, un tableau idéal du jazz à un moment M...
Si cette institution est encore là et en pleine forme, continuant vaillamment à tracer sa route, après trois décennies d'existence, elle donne la possibilité aux musiciens, même de façon éphémère, de jouer comme dans un véritable orchestre (classique), dans la continuité. Comment ne pas y être favorable si elle légitime toutes les formes de jazz, cette musique des lisières, qu'elle met à égalité avec les autres grandes formes instituées? "Et que reste-t-il d'un orchestre quand il n'existe plus", se demandait déjà Vincent Bessières, pour les vingt ans de l'ONJ? La réponse nous est fournie en partie par ce coffret CD/DVD, restituant la mémoire de ceux qui ont vécu au sein de ces formations, qui ont entendu ces ONJ en leur temps, dans leur jus, et nos impressions, à nous qui écoutons et regardons cette restitution actuelle. Le principe et l'essence même du jazz.
Pour l'anniversaire de ces trente ans, l'ONJ a frappé fort avec un concert exceptionnel en deux parties, le 2 septembre 2006, lors du festival de jazz de la Villette, à la Philharmonie de Paris.
Après une première partie réservée à l'ONJ Benoît dans son programme Europa Berlin, il fut demandé aux chefs qui l'ont précédé de choisir une composition de leur répertoire et de venir la présenter avec l'ONJ actuel. C'est un peu court en somme, pour se faire à l'empreinte de chaque ONJ mais comment rendre trente ans en une seule soirée, aussi longue soit-elle? Cette compilation chic compose un répertoire sensationnel, un instantané de la réalité plurielle des jazz, actualisés puisque joués par les musiciens du dernier ONJ. Des univers personnels, des projets vraiment originaux repris par des instrumentistes qui réinventent ces musiques. Les titres s'emboîtent comme dans un kaleïdoscope : s'il fallait en garder quelques-uns plus significatifs (difficile de choisir), on citerait les vocalises inouïes d'Elise Caron sur cet "à plus tard" à la dramaturgie marquée qui commençait le disque de l'ONJ Badault en 1991, le fascinant "Desert" d'Antoine Hervé, le "in tempo" de Laurent Cugny, le mélodieux "Argentiera" de Paolo Damiani, la surprenante "Valse 2" de Franck Tortiller qui carbure à mille temps....
On peut d'abord entendre le CD et ensuite se passer le DVD, réalisé par Josselin Carré, épatant! Il permet évidemment, après la présentation de chaque numéro par Arnaud Merlin de mieux fixer les solos ou les passages repérés au disque, d'en redécouvrir d'autres tout aussi remarquables : certains solistes sont très "visibles" comme le violoniste Théo Ceccaldi, omniprésent, mais on apprécie de revoir un Claude Barthélémy chevelu à l'oud avec le trompettiste Fabien Martinez (ici au bugle) sur le justement nommé "oud oud", le batteur Eric Echampard essentiel, le tromboniste invité Luca Spiler sur la valse de Tortiller, d'autres élèves comme lui du CNSM pour le vigoureux "Out" de Didiler Levallet, des soufflants comme les saxophonistes Alexandra Grimal, Hugues Mayot ...
Des bonus conséquents proposent une interview des dix chefs qui commentent leur expérience à la tête de leur ONJ. Leurs réponses à chacune des trois questions posées (vos trois plus fortes influences en matière de big band, le choix des instruments dans le casting, comment imaginez-vous le prochain ONJ?) proposent une réflexion toujours instructive à continuer, tout en racontant l'histoire de cette institution et du jazz à travers elle.
Le livret, très soigné, comporte des indications discographiques précises avec vignettes des pochettes, des photos restituant les temps forts du concert, et un portrait rapide de chaque chef qui reprécise le contexte, évoque des souvenirs marquants de son ONJ.
Quelle façon avec ce bel objet de revivre cette aventure étonnante grâce à la précieuse contribution de ces "passeurs d'énergie". Indispensable document pour et sur le jazz...
Sophie Chambon