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18 mai 2018 5 18 /05 /mai /2018 09:15

 

Philippe Mouratoglou (guitares acoustiques), Bruno Chevillon (contrebasse), Ramon Lopez (batterie)

Pernes-les-Fontaines, novembre 2017

Vision Fugitive VF 313015 / l'autre distribution

 

La première minute de la première plage ressemble au début d'une improvisation libre fondée sur l'écoute et l'interaction. Mais bien vite la composition se dévoile, et pourtant le dialogue tendu et attentif, comme dans la musique improvisée, semble toujours prévaloir, ou tout au moins conserver ses pleins droits. Dialogue tendu, empathique mais pas emphatique, tant il est vrai qu'en art (tous les arts, pas seulement plastiques, mais aussi la musique, la littérature, la grande cuisine ou l'équitation de haute école....), en art donc la tension est génératrice de ce mouvement par quoi la sensation, ou le 'sentiment esthétique', surviennent. La tension est souvent associée à la détente dans bien des théories esthétiques, qu'il s'agisse de jazz (pour élucider laborieusement le swing) ou de tout autre domaine (la tension provoquée par les dissonances olfactives et gustatives peut être un sommet de l'art culinaire). Et dans la musique au sens large, une tension sans réelle résolution peut produire une véritable jouissance esthétique, quand une franche et nette résolution provoquerait un simple plaisir. Ce trio, dans son fonctionnement libertaire et totalement maîtrisé tout à la fois, nous transporte dans cet espace d'incertitude, où la musique n'est jamais prévisible, et pourtant toujours exactement pertinente. Ce pourrait être un climat folky, une ballade irlandaise ou un standard mélancolique, mais l'intensité gronde et veille. Des plages courtes alternent avec des développements plus étendus, cependant la musique ne nous lâche pas, elle nous tient captifs. Même si les compositions sont de la plume du guitariste, la musique est constamment collective, à un degré qui tutoie l'absolu. Viennent, successivement : un hommage d'une sombre beauté au chanteur Scott Walker, États-unien qui a choisi l'Angleterre, et qui bien que méconnu, a marqué la pop music tout en reprenant Brel comme personne ; puis une reprise de Lonely Woman d'Ornette Coleman, thème lentement disséqué avec une intensité plus qu'humaine. Et le disque se poursuit, pour deux plages encore, jusqu'à la clôture d'un ensemble que je qualifierai, sans réserve, d'une sidérante beauté.

Xavier Prévost

 

Le trio sera en concert le 24 mai au Festival 'Jazz in Arles' et le 14 juin à Paris au Studio de l'Ermitage

 

Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=5tm8n1zT0_I&feature=youtu.be

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