SHABAKA HUTCHINGS - SON OF KEMET : « Your queen is a reptile »
Verve 2018
De quoi le phénomène Shabaka Hutchings est il le nom ?
Du renouveau du jazz ?
Si l’on pense à ce jazz qui fait à nouveau danser les foules, qui attire vers lui une population de jeunes, alors on peut dire que le saxophoniste anglais de 33 ans s’inscrit dans les pas de ses contemporains qui, à l’image d’un David Krakauer savent mettre l’assistance en liesse et en transe. On pourrait dire la même chose de ce côté-ci de l’hexagone avec des groupes comme Akalé Wubé qui, sur la base des Ethiopiques savent mettre leur auditoire en état second de danses effrénée. Dans un autre reGistre, la bande à Jean Dousteyssier parvient à faire se lever de leurs chaises, des jeunes qui dansent sur du …..John Kirby !
Si l’on évoque les inspirations du saxophoniste anglais, là encore rien de nouveau. Il y a chez Shabaka Hutchings une filiation évidente avec son illustre prédécesseur, Fela Kuti voire aussi avec Sun Ra dont il ne cesse de revendiquer l’influence.
Avec « Your queen is a reptile », Shabaka Hutchings prend son sujet à bras le corps. Celui des femmes mythiques auquel il rend un hommage ahurissant. Tout amène ici à bouger, à tourner et tourner et tourner encore jusqu’à étourdissement total. C’est du gros son. De la musique qui vient là vous bousculer et vous donne l’injonction de la faire passer par le corps, des orteils jusqu’à la pointe des cheveux. La musique de Son of Kemet, comme son nom l’indique prend sa source au coeur de l’Afrique depuis les rythmes du Nigéria jusqu’aux carrefours d’Addis-Abbeba. La musique de Shabaka est une sorte d’ovni qui rappelle bien des choses et vient ici secouer le cocotier d’un jazz parfois un peu endormi. Avec la puissance crachée d’une musique sans concession ni complaisance. Gros son du tuba pour venir scander les lignes de basses avec force ostinatos, gros son de sax qui vient déchirer le rideau feutré, grosses percussions qui intiment à la foule l’ordre de se lever.
Shabaka Hutchings au pays de la reine mère est une sorte de punk jazz. Révolutionnaire ? Pas sûr, mais trublion festif assurément. Que les sujets de sa majesté s’inquiètent : « Your queen is a reptile » est un brûlot.
DANS TA FACE !
Jean-Marc Gelin