La France underground. 1965-1979. Free Jazz et Rock Pop. Le temps des utopies. Serge Loupien. Editions Rivages Rouge-Payot. 400 pages. 23 euros.
Observateur critique de la scène musicale trois bonnes décennies (1976-2007) à Libération, Serge Loupien se retourne sur son passé pour brosser la fresque d’une époque libertaire, forte en notes et en chocs de tous genres. Nous ne sommes pas là dans l’analyse historique et politique ciselée avec brio dans Free Jazz et Black Power par Philippe Carles et Jean-Louis Comolli (Editions Champ Libre. 1971). Ici le vécu est à l’honneur : le lecteur de la jeune génération découvrira la folle (et parfois orageuse) ambiance des concerts, festivals et autres happenings où bien dans l’esprit de mai 68, il était interdit d’interdire ; les anciens –au rang desquels l’auteur de ces lignes-retrouveront les émotions suscitées alors en France , pour se limiter arbitrairement à la jazzosphère, par les François Tusques (1), Michel Portal, Beb Guérin, François Jeanneau, Jean-Louis Chautemps, Bernard Lubat, Barney Wilen, Aldo Romano et autres Jef Gilson sans oublier les Frank Wright, Alan Silva, Byard Lancaster, Sunny Murray qui mettaient le feu à l’American Center for Students and Artists du boulevard Raspail. Serge Loupien témoigne de ce foisonnement sans frontières saisissant à Paris mais pas exclusivement les musiques improvisées, free jazz et rock, qui-ce qui pourrait paraître aujourd’hui incongru-partageaient la scène des festivals alternatifs comme Amougies, en Belgique ou Chateauvallon, à proximité de Toulon. Le reportage de Serge Loupien saisit par sa vivacité et sa richesse, tant par ses « choses vues » que par les témoignages souvent savoureux des acteurs de cette folle époque, Jean-Louis Chautemps, Jean-François Pauvros, François Tusques, (le regretté) Gérard Terronès, Didier Levallet… On sort bien secoué et enivré de la lecture de ces 400 pages, de cet ouvrage, qui dixit Serge Loupien, « se revendique –mais n’est-ce pas son sujet qui l’exige ?-un rien agité et bordélique en mode bric-à -brac vide-grenier ». Un ouvrage de mémoire vivante à conseiller à tous les esprits ouverts et libres.
Jean-Louis Lemarchand
(1)Le sommaire cite pour chaque chapitre tous les acteurs de cette période des utopies, de Jack Berrocal à Jean-René Caussimon, Jean-Jacques Pussiau, Pierre Clementi, Jean-Paul Sartre ou Mouloudji (Marcel) qui produisit sur son label le disque « Free Jazz » de François Tusques (1966).