Edyson prod. 2018
Laurence Saltiel (vc), Patrick Villanueva (p), Benoit Dunoyer de Segonzac (cb)
Laurence Saltiel est rare. Trop rare. Et, par là même nous est précieuse.
Il y a déjà une petite dizaine d’année, elle publiait un album dans lequel il était beaucoup question de Bill Evans. Nous entendions alors ses versions de Waltz for Debby ou de My Romance comme jamais nous ne les avions entendu chantées.
Mais depuis ce temps, Laurence Saltiel, très engagée dans la pédagogie à laquelle elle se consacrait corps et âme, avait un peu disparue. Elle revient aujourd’hui en affirmant haut et fort qu’elle est avant tout une grande chanteuse. Et une chanteuse libre, pas prête du tout à se laisser enfermer dans une case de type « chanteuse de jazz » et hop, emballé c’est pesé.
Car Laurence Saltiel c’est l’amour d’un triptyque indissociable : le chant, la musique et le texte dont aucun de ces trois piliers ne saurait prévaloir sur l’autre.
Qu’elle s’appuie sur les talents de paroliers comme ceux de Lili Chane, qu’elle écrive elle-même les paroles de quelques titres, qu’elle reprenne quelques sublimes titres ( comme le Throw it away d’Abbey Lincoln), qu’elle chante en français, en espagnol ou en anglais, Laurence Saltiel y met à chaque fois son pesant d’âme.
On pleure avec Laurence. On rit aussi avec elle comme sur ce texte drôle et magnifique ( Crime de sang) sorti tout droit d’un univers à la Perec. On jazz avec elle ( Peace again). On s’attendrit à ce très beau et très émouvant texte (Petite Fille) qui mesure le poids des ans passés depuis Waltz for Debby et qui résonne comme l'un des plus bel hommage rendu aux femmes.
Mais avec Laurence Saltiel, la poésie tutoie toujours le swing qu’elle porte comme une seconde peau avec ce mélange de délicatesse, de groove avec un petit air de ne pas y toucher mais qui au final vous fait prendre le beat du bout de la semelle ou en dodelinant de la tête. La richesse expressive de la voix de Laurence Saltiel touche à la perfection, jamais apprêtée et visant au plus juste de l'émotion.
Ses compères font la paire. Benoit Dunoyer de Segonzac maître du tempo et gardien du temple est un compagnon de longue route, tout comme Patrick Villanueva qui ramène son swing élégant.
Ces trois-là sont en phase. En emphase.
Laurence Saltiel chante comme un remède à la mélancolie, comme une façon de dire que toujours la vie, même lorsqu’elle peut nous faire violence, même lorsqu’elle se défend à coup de poings, est belle.
Laurence Saltiel, ivre de vie, est une chanteuse libre, farouchement libre qui prend le vent et nous embarque avec elle.
Jean-Marc Gelin