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14 novembre 2018 3 14 /11 /novembre /2018 11:13

Plaisir de retrouver les Bords de Loire dans une atmosphère d'été indien quand il fait un pluvieux temps d'automne en région parisienne.

L'embellie sera de courte durée car la pluie rejoindra Nevers dans l'après-midi, mais le plaisir reste intact.

 

Thomas de Pourquery par Erwann Gauthier

Après une visite de l'exposition 'La Couleur du Jazz', dessins, peintures et photos d'Erwann Gauthier, le moment est venu d'écouter Édouard Ferlet.

 

ÉDOUARD FERLET solo «Think Bach op. 2»

Édouard Ferlet (piano, piano préparé)

Nevers, Maison de la Culture, petite salle, 12 novembre 2018, 12h15

 

En préambule, Édouard Ferlet s'adresse au public, pour dire son plaisir d'être là (après une premier concert deux jours plus tôt au sein du trio 'Aïrés') pour donner en solo ce programme autour de la musique de Jean-Sébastien Bach. En cours de concert, il dévoilera par ses commentaires les différentes modalités de sa démarche de réinterprétation-digression-improvisation. Et il élucidera encore les mystères de l'arrière-cuisine artistique une heure plus tard, lors de la rencontre quotidienne entre le public et les artistes de ces concerts de 12h15. Le programme est celui du second volume sur CD («Think Bach, Op .2», Mélisse, 2017) d'un travail amorcé voici plus de 6 ans. Mais le concert en donne une version différente, dans la mesure où se mêlent des parties écrites originelles (celles de Bach), des parties transformées par la réécriture, et de larges espaces improvisés dans l'instant. D'ailleurs le concert commence par une improvisation, que le pianiste juge indispensable à sa mise en condition, pour déboucher sur fragment de Bach qu'il va tournebouler à souhait. Vient ensuite une séquence de piano préparé : la préparation se fait selon l'inspiration de l'instant, tout en parlant au public, pour éviter de perdre le contact. Là encore un thème de Bach se révèle, mais dans un phrasé inattendu, et avec des rythmes d'un autre univers. Et au fil des pièces Bach va croiser des gammes hispanisantes, des reconstructions thématiques bouleversées par un travail sur les partitions assisté ordinateur, un effet de bourdon provoqués par un mystérieux excitateur électro-magnétique, et différentes aventures sonres autour des Variations Goldberg. Et en rappel, en nous offrant une relecture respectueuse du Cinquième Concerto pour clavier et de son célèbre Largo, Édouard Ferlet va nous rappeler, d'une manière presque militante (et il a raison !) que Bach était un grand mélodiste. Bref, du début à la fin du concert, c'était une déclaration d'amour à la musique, et à celle de Bach en particulier, bien sûr !

 

THÉO GIRARD TRIO

Théo Girard (contrebasse), Antoine Berjeaut (trompette,bugle), Sebastian Rochford (batterie)

Nevers, Auditorium Jean-Jaurès, 12 novembre 2018, 18h30

 

Le trio va jouer essentiellement le répertoire du disque «30YearsFrom», enregistré en 2016. La musique est très directe, fondée sur une assise magistrale de la contrebasse, et une pulsation presque métronomique (mais non dépourvue d'écarts jouissifs) de la batterie. L'atmosphère est parfois celle des groupes qui firent la joie des jazzophiles des années 60 et 70, tendance Ornette/Don Cherry. Mais le propos musical n'est pas enfermé dans de telles références. Le goût des exposés segmentés et des phrases anguleuses, goût surgi dans les décennies suivantes, dit assez que l'on n'est pas dans la nostalgie. C'est vivant, très vif même, on vogue volontiers vers d'autres horizons. La trompette, et parfois le bugle, d'Antoine Berjeaut s'y emploient, déployant des lignes sinueuses au bout desquelles s'inscrit l'évidence de la forme. La contrebasse est ferme dans son rôle leader, mais elle n'écrase pas le sens collectif. La batterie semble imperturbable, et pourtant de joyeuses saillies émaillent son apparente impassibilité. On entendra dans l'une des pièces une atmosphère de marche écossaise qui sied aux origines du batteur, et pour le rappel Sebastian Rochford nous offrira, après un début binaire et plein de groove, un solo très ouvert qui s'envolera vers les explosions free jusqu'à revenir, decrescendo, vers un tempo plus classique. Musique vivante donc, et saluée chaleureusement comme telle par le nombreux public.

Les salles sont pleines, Le Jounal du Centre ne ménage pas ses efforts en faisant écho au festival, Philippe Jeanjean fait de même chaque soir à 17h30 sur la radio locale Bac FM, et le 14 novembe France Musique sera en direct du bar de la la Maison de la Culture.

Living Being pendant la balance

VINCENT PEIRANI LIVING BEING «Night Walker»

Vincent Peirani (accordéon, accordina, voix), Émile Parisien (saxophone soprano, synthétiseur), Tony Paeleman (piano électrique), Julien Herné (guitare basse), Yoann Serra (batterie, percussions numériques)

Nevers, Théâtre municipal, 12 novembre 2018, 21h

 

Plaisir de revenir au théâtre après une longue période d'indisponibilité pour cause de rénovation. La salle 'à l'italienne' a retrouvé son éclat, mais les quelques strapontins qui complètent les rangées de sièges sont d'un inconfort problématique avec leur assise inclinée vers l'avant ; pas dramatique, d'autant que l'intensité du concert m'a fait oublier ce désagrément.... jusqu'au moment où je me suis levé : ma sciatique s'est réveillée en cette occasion !

'Living Being', le quintette de Vincent Peirani, est au milieu d'une tournée très étoffée qui parcourt la France, mais aussi la Suisse, l'Allemagne.... La vive intensité du groupe lui vaut une attention largement méritée. Le répertoire du concert est celui du second disque du groupe, «Night Walker» (Act/Pias distribution). Le concert ne duplique pas le disque, loin de là, l'ordre sera différent, même si comme le cd il commence avec Bang Bang, chanson des années 60 restituée avec un arrangement minimaliste d'une très grande finesse. Le ton est donné : très forte expressivité des solistes, dans un climat de groupe où chaque note et chaque accent rythmique sont au service de l'expression collective. Dans Unknown Chemistry, après un dialogue dense et mesuré entre Vincent Peirani et Tony Paeleman, la tension monte vers un tutti pop-rock où Émile Parisien va s'engouffrer jusqu'au vertige. La gestuelle hyper expressive du saxophoniste (indissociable de l'expressivité de son solo) contraste avec le côté plus statique de l'accordéoniste, qui propulse l'intensité de son expression sans en donner de signes extérieurs. Même chose quand Vincent Peirani se saisit de l'accordina, sorte d'accordéon à bouche ou de mélodica à clavier d'accordéon. L'échange avec le soprano est très intense. Après une ritournelle cubiste vient le suite concoctée autour de deux monuments du répertoire de Led Zeppelin, Kashmir et Stairway To Heaven. On monte encore d'un cran dans l'intensité, et Tony Paeleman met littéralement le feu avec une impro volcanique. Le groupe soigne les contrastes entre ces moments paroxystique et d'autres où, pour être moins violentes, les émotions ne sont pas moins intenses, par exemple pour le fameux air du génie du froid, tiré du King Arthur de Purcell : on part d'une intensité très mesurée, où l'accordéon joue parfaitement son rôle de 'boîte à frissons', puis dans un crescendo implacable le saxophone soprano nous conduit jusqu'à la transe extatique. Public emballé, à juste raison, deux rappels, et sensation palpable de bonheur chez toutes les personnes présentes.

Xavier Prévost

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