Pour compléter les comptes rendus précédents, quelques souvenirs et photos des trois derniers jours de l'édition 2018 du 'Nevers D'Jazz Festival', laquelle s'est terminée le samedi 17 novembre par un concert décevant de James Carter (photo ci-dessus), enfermé dans une ostentation qui ne rend pas justice à son (très grand) talent d'instrumentiste et de musicien.
L'avant-veille, jeudi 15 novembre, nous nous étions régalés à l'écoute du trio Ikui Doki, improbable mélange d'instruments (sax/clarinette, basson/voix, harpe celtique) au service d'un cocktail musical où Debussy croise le répertoire Renaissance avec des escapades vers le jazz, les éclats du rock, et autres musiques d'aujourd'hui. Six heures plus tard le saxophoniste du trio, Huges Mayot, présentait sur une autre scène son groupe « What if ? », où le piano électrique de Jozef Dumoulin, métamorphosé jusqu'à l'inouï par une savante cohorte d'effets, fait écho à la batterie de Franck Vaillant, qui habille le binaire d'aventureuses polyrythmies, et à Joachim Florent, dont la guitare basse chante et gronde à souhait.
Re Focus, le groupe avec cordes de Sylvain Rifflet, était sur les traces de « Focus » d'Eddie Sauter. Le saxophoniste a su évoquer Stan Getz sans demeurer prisonnier du concept, et tout en faisant sa propre musique. Nous avons ensuite écouté l'accordéoniste Daniel Mille (avec trois violoncelles, et la contrebasse de Diego Imbert) dans un hommage d'un lyrisme appuyé au compositeur-bandonéoniste Astor Piazzola.
Le lendemain midi, la journée de concerts commençait avec Laura Perrudin, harpiste-chanteuse en solo, virtuose des effets électroniques et des boucles superposées (tout en temps réel, pas de séquençage) : belle leçon d'usage technologique qui ne brime ni l'expression ni le talent. En fin d'après-midi, au théâtre, Gauthier Toux donnait en trio un bel aperçu de ses talents de pianiste, de compositeur et d'improvisateur.
Retour ensuite à la Maison de la Culture pour écouter le grand orchestre 'Collectiv' du vibraphoniste Franck Tortiller, très belle machine bien rôdée, avec de très bon solistes (beaucoup de jeunes talents bourguignons), et une musique qui caracole de Mingus à Zappa en passant par les compositions du leader, lequel n'a oublié ni Gil Evans, ni le big band 'Word Of Mouth' de Jaco Pastorius, ni le 'Vienna Art Orchestra', dont il a été membre pendant des années. Et la soirée s'est terminée en beauté avec le saxophoniste Steve Coleman et son groupe 'Five Elements', avec un parcours labyrinthique entre les rythmes mouvants, les cellules mélodiques, les leitmotive et le saillies improvisées, avec çà et là des standards, à la lettre (Cheek to Cheek), ou au contraire passés à la moulinette (Giant Steps), et en rappel un Salt Peanuts très direct, dans la pure tradition bop, histoire de rappeler que la prospective musicale conserve la mémoire du jazz : passionnant d'un bout à l'autre !
Le lendemain, dernier jour du festival, le concert de midi (et quart !), dans la petite salle de la Maison de la Culture, accueillait Claude Tchamitchian dans un solo d'une formidable richesse musicale, joué sur la contrebasse du très regretté Jean-François Jenny-Clark, basse prêtée par Anne Jenny-Clark.
Un prêt motivé par le recours à un accordage particulier, qui enrichit les horizons de l'improvisation, mais ne permet pas d'utiliser un instrument que l'on joue régulièrement avec l'accordage traditionnel en quartes. Claude Tchamitchian a parcouru sa propre histoire, avec des références à ses deux disques en solo, à ses racines arméniennes, et il a aussi évoqué les rythmes du Sacre du printemps : un grand moment de musique.
En soirée un autre contrebassiste assurait dans la grande salle la première partie. le Suédois Lars Danielsson a donné en quartette une musique lyrique, souvent fondée sur de motifs simples, propices tremplins à de belles digressions pour lui et ses partenaires. Et le festival s'est terminée avec James Carter, entre des compositions de Joe Sample ou Roland Kirk, et un rappel sur Nuages de Django Reinhardt. Déception (évoquée plus haut) du chroniqueur, même si une bonne part du public semblait ravi....
Xavier Prévost