Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
14 janvier 2019 1 14 /01 /janvier /2019 15:49
Christian DUCASSE  Franck MEDIONI  DREAMING DRUMS Le monde des batteurs de jazz

 

CHRISTIAN DUCASSE FRANCK MEDIONI

DREAMING DRUMS

LE MONDE DES BATTEURS DE JAZZ

Préface de JACQUES REDA

Editions PARENTHESES (144 pages, 120 photos en bichromie).

Ce livre n'est pas un nouvel album de photos de jazz, même s'il en présente tous les aspects. Bel ouvrage au format agréable, proche d'un cahier à l'italienne, il se feuillette avec plaisir car le papier est épais et de qualité, la mise en page originale et surprenante, les photos placées avec soin en respectant l'équilibre avec les textes qui documentent, précisent, poétisent.

C'est tout simplement le premier livre qui rende hommage à cette "drum society" selon la formule même du photographe, à ses acteurs souvent méconnus ou oubliés, à cette communauté de musiciens, née avec l'histoire de cette musique. Un "labour of love" envers le jazz, la batterie, cet instrument si singulier, inventé par et pour le jazz, les batteurs, ces "esprits frappeurs" selon un expert en la matière, le disert Bernard Lubat.

Amateur de jazz, Christian Ducasse, a toujours fréquenté les clubs de jazz et à Marseille, le Cri du Port depuis son ouverture. Progressivement, alors que son métier l'appelait ailleurs, la musique a fini par s'imposer jusqu'à prendre la première place. Cette complicité naissante avec les batteurs se fait alors sentir au point de plonger dans ce rêve de bois, de peaux et de métal, il établit même un parallèle entre batteur et photographe, figures à part, isolées au sein de leur métier. 

Dès la préface-mise au point, Jacques Réda, tout en réintroduisant la notion (toujours) essentielle du "swing", laisse entendre qu'il ne faut pas chercher l' exhaustivité dans ce "Dreaming drums". Christian Ducasse n'a pu photographier en effet les tout premiers batteurs, les historiques, les "ancêtres". Mais aucun des batteurs actuels n'a pu échapper à l'influence des grands maîtres de l'instrument dont quelques grandes figures apparaissent cependant dans le livre, comme Max Roach, Tony Williams, Daniel Humair et son set spécifique de batterie, Kenny Clarke, dont l'une des deux photos, si émouvantes du livre, fit "la une" de Libération, à la disparition du musicien, le 28 janvier 1985.

Mais si l'histoire récente, contemporaine de la batterie vous intéresse, ce livre est fait pour vous, vous y retrouverez une "épopée du rythme" représentée par la centaine de musiciens rencontrés par le photoreporter depuis 1981, année décisive, initiatique. Commence en effet sa traversée au long cours de la contrée "drumland", de Doug Hammond au Cap d'Agde en avril, Milford Graves à Pise en juin jusqu'à Fred Pasqua, au club marseillais Le Jam, en avril 2018. Quant aux femmes, comme dans le jazz, elles ne sont pas assez nombreuses,évidemment, mais elles ne sont pas oubliées : on découvre une Anne Pacéo pensive, Terri Lyne Carrington et Susie Ibarra très concentrées.

Si le photographe se dit braconnier, toujours sur le qui-vive, il profite de ce "droit d'ingérence de l'oeil", sans qu'il soit question de mise en scène. Vont ainsi défiler devant nos yeux, les corps en action de batteurs qui dansent derrière leurs fûts, cogneurs fous ou délicats coloristes.  Certaines positions, attitudes sont captées sur le vif : on saisit le rapport du batteur à l'instrument avec lequel il fait corps, des cymbales aux baguettes qui parfois peuvent leur échapper! Classées en séquences, apparaissent des sourires (attendrissant de Hamid Drake, épanouis de Christophe Marguet, Mourad Benhammou, Dave King...), des grimaces en plein effort ( Antoine Paganotti, Nasheet Waits...), le portrait saisissant de Michel Petrucciani dans les bras d'Aldo Romano, des duos de section rythmique ( Drew Gress et Tom Rainey, Dennis Charles et Didier Levallet, Vincent Segal et Cyril Atef...). Sans compter que le livre nous donne une pleine double page de noms de sections rythmiques!  

Les mots ne sont pas en reste: les photos ne sont pas soulignées de leur traditionnelle légende (elle est reportée en fin de livre avec la page de référence) mais de textes, artistiquement mis en scène, en plus ou moins gros caractère dans les polices Andrea Tinnes et Univers, sélectionnées avec soin par les formidables architectes-éditeurs de la maison Parenthèses dont le catalogue jazz est une référence.

Franck Médioni est le deuxième auteur du livre, absolument complémentaire, dressant à grands traits l'évolution de la batterie en jazz, esquissant les portraits de batteurs historiques sans oublier de recueillir les témoignages de musiciens actuels sur leur conception du rythme, savoureuses confidences, toujours chères aux amateurs de jazz. Une forme assez ludique qui se prête à une lecture spontanée, diagonale, jamais fastidieuse. Ce document, sorte de journal qui engage un dialogue avec le lecteur, est riche de descriptions et d'analyses en rythme, qu'il faudrait presque suivre en se déplaçant...Ting, ti-gui-ding, ti- gui-ding. Cette histoire visuelle ainsi racontée, galerie de portraits toujours tendres, réussit à ne pas figer l'aventure du jazz et de ses batteurs qui font entendre leur voix.Et l'on finit avec le clin d'oeil malicieux d'Edward Perraud, lui même passionné de photo, qui a saisi un Christian Ducasse encore tout étonné.

 

Sophie chambon

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires