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12 janvier 2019 6 12 /01 /janvier /2019 17:17
GIACO LE SON D'ETOILES

GIACO LE SON D'(E)TOILES

 

D'après l'oeuvre de Jean-Pierre Giacobazzi

LA COMPAGNIE DE L'ARBRE DE MAI

/ MUSEA RECORDS

Label Instant music records

Enregistré du 20 au 23 Février 2017à l'OSONS JAZZ CLUB ( 04 Lurs)

Texte du livret Robert BONACCORSI

Réalisation graphique Annie Demongeot avec des reproductions de tableaux de JP Giacobazzi

Laure Donnat : chant

Perrine Mansuy : piano, chant

Rémi Charmasson: guitares

Bernard Santacruz : contrebasse

Bruno Bertrand : batterie, percussions, sons concerts

 

http://losonsjazzclub.fr/archives/541

 

J'ai un souvenir très vif du festival de jazz de la Seyne sur mer, au Fort Napoléon (83) qui accueillait la fine fleur du jazz européen et américain invitée par Robert Bonaccorsi qui dirigeait par ailleurs la VILLA TAMARIS, centre d'art contemporain. Ainsi les diverses pratiques artistiques étaient réunies (théâtre,cinéma, photographie, écriture, et bien sûr peinture) et le jazz se confrontait entre mémoire et création.

Le peintre JP Giacobazzi était un habitué des lieux. Pour son ami Robert Bonaccorsi qui lui avait consacré une belle rétrospective en 1996, il était un "virtuose du collage, maître du coq à l'âne visuel, iconolâtre et iconoclaste, il possédait l'art et la manière de décrypter le réel". Ses "bleus crus et rouge sang" illustrent une mémoire à vif, violente, celle de l'immigration italienne dont il était issu, celle des chantiers navals de la Seyne où il avait été docker, un temps. Inscrit dans le mouvement de la Figuration narrative ( Rancillac, Fromanger, Erro, Arroyo), il travaillait à partir de photos, cette technique lui permettait de s'insérer dans l'histoire, l'actualité, de faire partager son engagement en déclinant ses mythologies personnelles.

 

"Rendre le jazz présent et surtout l'inscrire au coeur du projet pictural" était l'un de ses objectifs. Il fut ainsi l'auteur d'affiches du festival et signa quelques pochettes pour le label sudiste CELP Musiques, qui enregistra dans le temps, André Jaume, JimmyGiuffre, Charlie Mariano, Joe Mc Phee, Rémi Charmasson... et le Jazz Hip trio de Daniel Humair, JB Eisinger et Roger Luccioni ( créateur du festival des 5 continents à Marseille).

https://www.discogs.com/label/149269-CELP

Le festival et JP Giacobazzi ont disparu mais ses amis, les musiciens de l'AJMI avignonnais ont voulu, avec leur collectif, créé en 2014, la compagnie de l'ARBRE DE MAI, composer la bande-son d'un film qui salue son travail, le personnage et son humanité : le tableau d'une exposition sudiste de "GIACO" où l'on reconnaît portraits, affiches du festival, Marseille, La Seyne et ses chantiers navals. Le guitariste Rémi Charmasson, à l'éloquence fleurie et poétique précise :

"Giaco" peint l’histoire des peuples et de leurs destinées. De l’Indochine à l’Algérie, de l’Italie aux Usa, de l’opérette à Sinatra, du Che à Sitting-bull, du Coca au Pastis, le grand-écart permanent, la valise à la main et le miston sur l’épaule… Et ce « noir » esseulé coloré de son blues...Ennio Morricone, Verdi, Robert Mitchum, Jimi Hendrix, Martin Scorsese soutiennent ses pinceaux tout autant que ses amis musiciens. La lumière peinte à l'épaisseur du son."

C'est la chanteuse Laure Donnat qui ouvre l'album par une composition co-écrite avec le contrebassiste Bernard Santacruz "Al Djazaïr" qui présente ce "rêve de toiles qui fait décoller". Un rapport fantasmé à cette Afrique du Nord. "Ce qu'il raconte, c'est cette invitation à traverser l'au-delà de la peinture... ses toiles sont des guides pour traverser l'imaginaire".

Le CD est le résultat du travail d'équipe d'un quintet à l'énergie féconde. En dépit d'approches différentes,  la musique garde une grande unité, portée par la voix de la conteuse, la rythmique précise et souple, le martèlement pénétrant du piano, le chant rauque et tendre de la guitare. Ayant visité son atelier, les musiciens se sont inspirés d'une sélection de toiles pour écrire  les quelques chapitres de cette histoire avec le concours d'une vidéaste. Les morceaux agissent plus en résonance qu'en références, nous immergeant dans l'atmosphère singulière du peintre. On perçoit la lumière, l'espace, on ressent le vent qui habitait les toiles hyperréalistes de Giacobazzi, habités de curieux paradoxes, de rapprochements singuliers. Quelle étrangeté dans ces lieux ainsi immobilisés dans une palette absolument unique, qui a le tragique du bleu implacable méditerranéen.

Le spectacle enregistré au jazz club l'Osons, à Lurs en 2017, a été ensuite présenté à la Gare de Coustellet puis au Chêne Noir d'Avignon. Une douceur mélancolique vous envahit quand musiques, voix et couleurs s'entrelacent avec finesse. Car il est fait appel aux sensations, jamais à la sentimentalité, que les préoccupations sociales soient au premier plan comme dans ce "Rosita" ou "Les champs de liberté" que Laure Donnat porte de sa voix vibrante, en italien, avec un esprit et des accents proches de la passionaria Lucilla GaleazziQuand vient le temps des souvenirs, celui des photos de classe, ce sont "Les enfants" qui sont évoqués dans une berceuse délicate. "Early Work's Suite" reprend des études des débuts, retraçant l'éveil d'un peintre ou d'un musicien à sa pratique.

On se laisse prendre par cette musique d'atmosphère, grave souvent, exaltée et tendre, qui semble venir d'une contrée lointaine et pourtant familière, celle des toiles de Giaco.Que l'on aimerait voir encore programmé ce spectacle complet de musiques, d'ombres et de lumières.

 

Sophie Chambon

 

 

 

GIACO LE SON D'ETOILES
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