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27 janvier 2019 7 27 /01 /janvier /2019 10:05

Quand Michel Legrand rencontra Miles Davis


 « Le jazz je l’aime avec ma raison, mon cerveau, ma technique mais je l’aime aussi physiquement », confiait Michel Legrand disparu le 26 janvier à 86 ans.  Si le concert de Dizzy Gillespie en 1948 à Pleyel fut pour lui « un électrochoc », une révélation du  jazz, c’est avec Miles Davis que le protéiforme et oscarisé Michel, compositeur aux 1600 musiques de films, vécut l’aventure musicale la plus forte.
L’élève de Nadia Boulanger va rencontrer Miles en 1957 à Paris au club Saint Germain. Ils échangent quelques mots. L’année suivante sera déterminante pour leur coopération. Philips et Columbia décident de financer l’album de son choix pour remercier Michel du succès énorme aux Etats-Unis de son disque I Love Paris où le musicien avait arrangé sur le thème de la ville-lumière quelques-uns des grandes chansons comme Les Feuilles Mortes, Sous les ponts de Paris, Paris, je t’aime. Le choix de Michel est vite fait : un album de jazz haut de gamme. La preuve : avec l’aide de Boris Vian, il retient quelques titres majeurs (Round Midnight, Django, Nuages, Night in Tunisia) et surtout sélectionne ses interprètes, Miles Davis, John Coltrane, Ben Webster, Phil Woods, Herbie Mann, Hank Jones, Bill Evans…Rendez-vous est pris pour l’enregistrement en studio à New-York le 25 juin 1958. Reste à convaincre Miles. Des gens du métier lui font part de leurs craintes : Miles viendra écouter ta musique en catimini et si cela ne lui plaît pas, tu n’entendras jamais plus parler de lui. Sombre prédiction qui ne se réalisera pas. « A la fin de la première prise de Django, Miles lui adresse « un large sourire » et dit «  tu es content de moi ? j’ai joué comme tu voulais » (in J’ai le regret de vous dire oui. Michel Legrand avec Stéphane Lerouge. Ed. Fayard 2018). A partir de là, « notre séance de quatre heures se révèle rapide, fluide, sans accroc ». L’album gravé intitulé simplement « Legrand Jazz » recueillera un large succès et pas seulement chez les amateurs de la note bleue. « Je dois infiniment à cet album, il m’a offert une crédibilité, une crédibilité comme homme de jazz ».
Suivront des albums avec Sarah Vaughan-qui donnera un sublime The summer knows, version vocale du film Un été 42- Stan Getz (Communications 72, album symphonique avec une pochette ornée d’une peinture de Raymond Moretti) ou encore Stéphane Grappelli pour un disque (sorti en 1992) construit sur des chansons françaises éternelles (Mon légionnaire, Mon homme, C’est si bon) .
Avec Miles, les contacts s’espacent, chacun menant sa carrière. Jusqu’en 1990 où Michel est contacté par un cinéaste australien Rolf de Heer qui prépare un film, Dingo. Miles veut bien en écrire la musique mais à la condition que « Mike » lui apporte son concours. L’affaire est conclue. S’il n’est pas une merveille du 7ème art, Dingo, qui sortira en 1992 après le décès de Miles, restera comme la dernière coopération entre deux génies musicaux.
Jean-Louis Lemarchand

 

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