Comme à son habitude, Brad Mehldau est arrivé dans cette salle magnifique de la Halle aux Grains en plein coeur de Toulouse, et a attaqué direct. Pas de préliminaires, droit au but. Le clavier qui lui obéit aux doigts et, on le jurerait à l’oeil.
Le pianiste actuellement en tournée avait abandonné ses fidèles acolytes pour se présenter en solo une heure durant. Une heure durant laquelle il fit une véritable démonstration de sa science presque surnaturelle de l’improvisation. Brad Meldhau est l’un des rares pianistes à pouvoir dans une même digression citer du Debussy, du Bach ajouter une pincée de blues et même de pop.
Il peut bien s’emparer de quelques standards ou de ses propres compositions, cela n’est qu’un prétexte pour faire exhaler le piano qui sous ses doigts prend mille couleurs.
Chez Brad Mehldau il y a bien sûr ce sens du placement rythmique mais il y plus. Chez lui tout est affaire d’intention. La façon dont il attaque les notes du clavier et les nuances qu’il met dans ces attaques sont juste stupéfiantes. Il sait, non pas caresser le clavier mais juste doser l’attaque exactement dans l’intention qu’il veut donner. Et même à certains moments cela se mélange et Brad joue avec les renversements d’accords, intervertit main gauche et main droite (on s’accroche pour comprendre quelle main fait la basse, les arpèges et la mélodie).
Mais au final toujours on suit le pianiste dans ses digressions. Il nous embarque parce que jamais linéaire. Toujours à l’affut de la phrase ou de l’accord qui va venir réveiller l’intérêt que nous portons à ce monologue jamais introspectif mais tout entier tourné vers les multiples combinaisons de la musique. Avec une pointe de mélancolie qu’il va chercher dans les basses de son clavier.
Brad Meldhau a en partie joué hier soir quelques morceaux de son dernier album « Seymour reads the Constitution » paru en 2018 sur le label Nonesuch records et aligné plusieurs standards dont un magnifique Lover man.`
On peut reprocher au pianiste une certaine froideur vis à vis du public à qui il n’adresse pas un mot, donnant un peu l’impression de faire le job sans chercher particulièrement à communiquer.
Mais peu importe après tout. Ceux qui ont su entrer dans son univers on trouvé là le seul et unique moyen de communication : la musique.
Jean-marc Gelin