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26 septembre 2019 4 26 /09 /septembre /2019 16:52

Rien ne prédestinait Eglal Farhi, disparue le 25 septembre à Neuilly à 97 ans (8 avril 1922/25 septembre 2019), à fonder à Paris un club de jazz , le New Morning,  qui allait devenir l’un des lieux mythiques des amateurs de la note bleue, au même titre que le Village Vanguard de New York ou le Blue Note de Tokyo.

 

L’ancienne élève de l’école des Dames du Sacré-Cœur du Caire avait dépassé le demi-siècle quand elle ouvre le 16 avril 1981, avec Art Blakey et les Jazz Messengers comprenant les frères Marsalis (Wynton, trompette, et Branford, saxophone ténor),  un club* dans un lieu tout à fait inhabituel, une ancienne imprimerie du Parisien Libéré au 7-9  rue des Petites Ecuries, à proximité de la Gare de l’Est.

 

 

Fan de jazz dans sa jeunesse, Eglal Farhi, qui écoutait dans la maison familiale au Caire Fletcher Henderson et Count Basie, avait décidé d’endosser le costume de chef d’entreprise et de prendre le relais de ses beaux-fils (Daniel et Alain) qui avaient rencontré quelques difficultés financières dans la gestion de leur club à Genève , dénommé déjà le New Morning, allusion à une chanson de Bob Dylan.

 

Tout le gotha du jazz est passé sur la scène du New Morning :  Stan Getz, Dizzy Gillespie, Dexter Gordon, Milt Jackson, Jim Hall, Elvin Jones, Art Blakey à plusieurs reprises et notamment pour ses 70 ans en 1989, Archie Shepp, Freddie Hubbard, Michel Petrucciani (la première fois à 18 ans), Nina Simone, Martial Solal, Michel Portal, Brad Mehldau, Joshua Redman… Le préféré d’Eglal Farhi restera Chet Baker : « un visage mélancolique, James Dean en plus beau, un fabuleux trompettiste qui me touchait beaucoup et a toujours tenu ses engagements même après avoir atteint dans l’après-midi un coma de stade 2 ».

 

 

Eglal Farhi nous confiait à la fin des années 90 « marcher au feeling » et « détester les ayatollahs » dans la musique.  « Le public jazz-jazz ne suffisait pas. Nous avons ouvert la scène à toutes les musiques afro-américaines », témoignait en 1996 Mme Farhi, une des rares femmes à tenir un club de jazz. « Chaque soir, c’est un coup de poker financier…. Et il m’arrive de perdre », ajoutait-elle, comme ce soir où un flutiste français (dont elle taira le nom) « fit » une dizaine de spectateurs.

 

La fondatrice du New Morning n’éprouvait qu’un seul regret : Miles Davis ne s’est jamais produit face au public exigeant de la rue des Petites Ecuries. Une consolation pour Eglal Farhi, le prince de la trompette a signé le livre d’or de l’établissement après y avoir tourné, acteur, l’année de sa mort (1991) quelques scènes du film Dingo dont il composa la musique avec Michel Legrand.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

*Depuis 2010, sa fille Catherine lui a succédé à la direction du club.

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