Jacques Chirac, Miles Davis et Frank Sinatra
S’il avait une certaine idée de la France, comme le général de Gaulle, Jacques Chirac, décédé le 25 septembre à 86 ans à Paris, n’avait jamais caché son affection pour les Etats-Unis. Le Président de la République (1995-2007) aimait à rappeler comment il avait découvert le pays de George Washington en 1953, en tant qu’étudiant à Harvard mais aussi dans différents emplois saisonniers, garçon dans un restaurant Howard Johnson à Cambridge (Massachusets), cariste à St Louis ou encore journaliste au New Orleans Times-Picayune.
Nul doute qu’au cours de cette année passée aux Etats-Unis le futur homme d’Etat aura découvert les musiques diverses, élément majeur de la culture américaine. Passionné des cultures du monde, et notamment des Arts Premiers auquel il consacra un musée quai Branly, amateur de poésie chinoise, Jacques Chirac eut l’occasion de témoigner de son penchant pour les musiques improvisées.
En 1989, alors Maire de Paris, il avait organisé une réception à l’Hôtel de Ville en l’honneur de Frank Sinatra qui effectuait une tournée avec Dean Martin et Sammy Davis Junior et lui avait remis la plaque du bimillénaire de la ville de Paris. Ce jour-là, Jacques Chirac, se souvient un journaliste présent, Jean-Baptiste Tuzet, futur fondateur de Crooner radio, s’était lancé dans un discours en anglais extrêmement chaleureux et drôle avec des jeux de mots relatifs à de grands succès interprétés par l’artiste tels que « Strangers in the Night », auxquels Frank Sinatra avait répondu par « April in Paris ».
Cette même année, le futur chef de l’Etat avait remis la grande médaille de Vermeil de la ville de Paris à Miles Davis, nouveau témoignage du respect que portaient l’ami des américains et la ville-lumière au prince de la trompette.
Longtemps, Jacques Chirac aura laissé croire que ses seuls centres d’intérêt personnels étaient les romans policiers, les westerns et la musique militaire. Ainsi, avait-il confié en souriant à un proche, « j’ai eu la paix pendant vingt ans sur la question de mes goûts culturels ». La vérité était tout autre.
Jean-Louis Lemarchand