LES QUATRE VENTS
Perrine Mansuy(p), Christophe Leloil (tp et bugle), Pierre Fenichel (cb), Fred Pasqua( dms).
Label Laborie LJ56/ Socadisc
Sortie le 27 septembre.
Cinquante septième disque de Laborie, label découvreur de talents d’ Emile Parisien à Yaron Herman, de Paul Lay à Anne Paceo, Les quatre vents est sorti la semaine dernière, pendant le festival de l’ERMIJAZZ, au Studio de l’Ermitage (Paris 20 ème). Perrine Mansuy a déjà deux CDs à son actif avec le label limougeot, Vertigo Songs en 2011 et Rainbow Shell en 2015. Elle apparaît donc logiquement comme le fil conducteur de ce nouvel album.
Mais Les Quatre vents est aussi un collectif sudiste, créé en 2017, qui travaille avec la structure marseillaise Arts & Musiques. Normal, puisque les musiciens qui le constituent, s’ils ne sont pas tous marseillais d’origine, habitent à présent dans la cité phocéenne, et dans le même quartier, qui plus est. Le vent dont il est question pourrait-il être ce bon vieux mistral qui libère le ciel des nuages et autorise ce bleu si pur? Ou comme dans le titre du contrebassiste Pierre Fenichel, “Libeccio”, ce vent chaud, venu du sud, de Corse. Toujours la Méditerranée. Mais il n’est pas question sous les cieux de cette “mare nostrum” d’exalter le tragique mais la libre circulation du souffle (en l’occurrence, celui de Christophe Leloil, à la trompette) et des échanges animés entre ces quatre voix complices et complémentaires. Pas de leader en effet, leurs 9 compositions, de durée sensiblement égale, ont une cohérence qui puise dans une énergie commune inspirée des éléments, l’eau, l’air, mais aussi le feu, selon leurs humeurs et tonalités.
Parti sur un tempo rapide, Christophe Leloil caracole en tête sur “Time eats up alive”, pune composition de la pianiste qui souligne la frénésie, l’agitation inutile de notre temps...Le rythme s’adoucit avec “Kin hin”, délicieuse ballade aux cordes enveloppantes de Pierre Fenichel, arrimée par un chorus de sa contrebasse subtile, à la deuxième partie de ce qui constitue une petite suite “Prima Luce”.
Les énergies libérées se déploient dans plusieurs directions dans une musique généreusement expansionniste qui donne à chacun espace et liberté. Un jazz toujours vif avec les interventions agiles, brillantes de Christophe Leloil, qui stratosphérise volontiers de ses aigus clairs, tranchants, puissants. Même s’il est capable de pianissimos voluptueux, le trompettiste normand, Marseillais de coeur à présent, prend des chorus volontiers solaires, soutenu par le drive rebondissant, continu de Fred Pasqua qui doit décidément aimer les trompettistes puisqu’il joue aussi beaucoup avec Yoann Loustalot. C’est le seul des quatre à ne pas avoir donné (encore) de compositions au groupe mais il a su trouver sa place et se couler dans l’esprit de ces camarades de jeu.
La musique se crée dans l’instant sous leurs doigts experts: une sérénité teintée de mélancolie dans les variations de Perrine Mansuy, parfois encline à la contemplation comme dans les miroitements de sa “First Light on Muskoka”, qui traduit ses impressions d’un soleil levant sur un lac canadien. La pianiste fait entendre une voix de plus en plus affirmée, lyrique sans oublier d’être aussi percussive.
Voilà une musique de grande fluidité mélodique, se révélant pleine d’élan et d’allant jusqu’au final, une "chanson" de la pianiste “West of the Moon”(clin d’oeil au “East of the Sun, West of the Moon?”).
Une aventure collective réussie à qui l’on prédit un bel avenir, avec Laborie, “au sud du nord”, en quelque sorte…
Sophie Chambon