MUSIC FROM THE EARLY 21ST CENTURY
BOBBY PREVITE/ JAMIE SAFT/ NELS CLINE
RARE NOISE RECORDS
https://www.rarenoiserecords.com/releases/music-from-the-early-21st-century/
J’aime les albums de Bobby Previte, de Jamie Saft… A chaque nouvelle production sur le très singulier label Rarenoise records, j’écoute et ne suis jamais déçue, me demandant s’ils vont se renouveller ou si dès l’intro, on retrouvera leur marque? Un peu de ces deux sensations me parcourent en ces temps étranges et leur dernière production, enregistrée l’an dernier, colle à l’ambiance surréelle de ces temps de confinement.
Le titre fait immédiatement écho à la pochette du 21st century schizoïd man de King Crimson (1969), cette musique rock progressive qui a laissé une empreinte forte dans ma mémoire. A bien y réfléchir, jusqu’à la fin de l’écoute, je me dis que c’était une fausse piste. Et pourtant…
La photo de la pochette cette fois induit une autre image, celle du film, FIRST MAN de Damien Chazelle sur l’aventure spatiale avec une B.O étrange au theremin, éminemment mystérieux. Jusqu’ à ce que j’apprenne que c’est la photo du téléscope spatial HUBBLE qui révèle des galaxies en train de naître, les plus proches étant bien résolues, les autres presque des points. On les voit telles qu’elles étaient alors, plus jeunes, plus actives, un miroir magique!
Qu’en est il de la musique de ce jazz trio avec orgue, ainsi étiqueté pour faire vite, où trois sorciers d’un son planant font un va et vient stylistique sur une bande étroite cependant! Les titres très énigmatiques, voire "nonsensiques" s’enchaînent : “Paywall” plus dub qu’hard rock, “Parkhour” avec la guitare à fleur de cordes, fulgurante et énergique de Nels Cline, le mini moog de Jamie Saft et une belle ligne de basse. “The Extreme Present”, plus familier, tisse une trame obsédante aux motifs répétitifs. “Totes” a une langueur rêveuse, jamais inconsistante.
Ces trois musiciens expérimentateurs, maîtres du son et de la technique vont ainsi improviser sur dix pièces assez longues, pensant à une éventuelle postérité? Comme une bouteille à la mer, ils jettent leur musique dans la galaxie. Pour l’instant, nous n’en sortons pas indemne de ce son sourd, mat, une musique hors sol et hors âge. Universelle? Le fredon du futur que nous ne connaîtrons pas?
Une matière travaillée, affinée, organique aussi qui peut être caressante et mélancolique, ouatée dans cet “occession” déroutant; les bougres, ils arrivent à nous communiquer leurs sentiments. La forme fait sens. On aimera aussi “The New Weird” comme en demi teinte, où la guitare pose la mélodie, mène la danse, avant que l’orgue Hammond ne la rejoigne. Le trio sort de la brume en un fin crescendo, plus de dix minutes avant que la musique ne se perde en un murmure, dans les limbes? Comme en live. Un live où le dernier larron, Bobby Previte, que l'on ne présente plus, qui s'était intéressé dans un album de 2001 aux 23 Constellations de Joan Miro est merveilleux dans ce groove un peu différent, apocalyptique de “Machine learning”.
Y-a t-il un effet du hasard? Cette musique d’un formidable power trio ne pouvait tomber mieux en ce moment….. Strange days….
Sophie CHAMBON