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23 août 2020 7 23 /08 /août /2020 08:49
DANCING IN YOUR HEAD(S)  ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ

DANCING IN YOUR HEAD(S)

ORCHESTRE NATIONAL DE JAZZ

www.onj.org

https://www.onj.org/programme/dancing-in-your-heads/

 

Album enregistré live au Festival JAZZDOR de BERLIN LE è JUIN 2019

 

Sortie nationale le 20 Août 2020

 

Deux albums complémentaires aux couvertures de couleur verte et orange sortent en cette fin d’été de pandémie, sous la direction artistique de Frédéric MAURIN avec un sacré orchestre de 15 membres et un invité de choix, le saxophoniste alto Tim BERNE. Un premier projet est dédié à la musique de ce musicien extra-ordinaire qu’était ORNETTE COLEMAN, décalé, moderne presque malgré lui, faute d’être de son temps. L’autre à un programme original de compositions collectives pour orchestre et 4 voix, un rituel quotidien de voix dont la création eut lieu à Perpignan, lors du Jazzèbre d’octobre dernier.

Le guitariste Fred Maurin dispose d’ une belle équipe, celle qu’il s’est choisi de l’Orchestre National pour écrire une nouvelle musique, complexe toujours mais différente de sa Ping machine qu’il a dû se résoudre à abandonner pour ce mandat et cette nouvelle mission. Il a néanmoins gardé certains compagnons de route, le noyau dur de sa rutilante machine pour se consacrer à cette nouvelle aventure toujours “grand format”. 

Cet album Dancing in your head(s) est un hommage personnel à cet étonnant chef de troupe sans véritable disciple, intégrant à des compositions du saxophoniste texan, issues de l’album éponyme de 1973, un pot pourri de titres datant de sa période électrique, et enfin de deux thèmes composés par Eric Dolphy et Julius Hemphill. On retraverse ainsi en touches légères, un peu de la longue histoire de ce musicien qui a vécu, joué, évolué  dans une période faste de l’histoire du jazz. Un projet électrique et électrisant comme cette formation, avec les arrangements frais, brillants, inventifs d’un maître en la matière, Fred Pallem, fou de funk, de musiques vintage qu’il sait moderniser, soul master au plus près de la Black music, le chef de l’insolent Sacre du Tympan.

Il dispose d’un collectif puissamment cuivré qui sonne avec une vitalité réjouissante: 2 sax alto, 2 sax ténor, un sax baryton, 2 trompettes, 1 cor, 2 trombones dont un basse, 2 guitares électriques, une guitare basse, et la section rythmique d’acier qui va de pair avec un tel ensemble! Car le rythme ne faiblit jamais avec ces hommes et femmes à pied d’oeuvre sur ce champ de  manoeuvres!

Pa vraiment du free jazz, (en référence à l’album conceptuel de Coleman qui fit date dans l’histoire du jazz en 1960) mais un projet exubérant, pour une musique librement décomplexée qui groove, spontanée et organique, que l’on avale d’un trait à grandes rasades! La musique ne cesse d’advenir au sein de happenings décoiffants, en un discours fluide et néanmoins fragmenté à partir d’une sinueuse ligne mélodique.

Dès l’introduction, nous sommes dans le bain avec ce “Feet music” des plus explicites qui vous met en jambes irrésistiblement comme le “Dancing fool” de ce "singing fool" de Frank Zappa qui remonterait, dans une forme certes  décalée,  à  la tradition de la musique populaire  américaine jusqu’au "42nd street" de Busby Berkeley et de Lloyd Bacon. Hypothèse posée mais qui répond à une certaine logique, car on ne fait pas que danser dans sa tête avec cet orchestre!  Un peu moins explosif, intrigant même, suit un “Jump street” toujours bondissant avec des écarts inattendus.

Au mitan de l’album, composé avec finesse, alternant subtilement tempi et climats, sans perdre jamais la cohérence du montage, le morceau de bravoure de Dolphy, empreint d’une spiritualité  immédiate, “Something Sweet, Something Tender” est dévoilé par l’attaque du tromboniste Daniel Zimmermann suivie de la trompette incisive de Susana Santos Silva.

On attendait au tournant l’orchestre avec sa version (une de plus) de l’éternel “Lonely woman”, l’une des plus belles mélodies du jazz et sans aucun doute, la composition la plus célèbre d’Ornette! Ça commence sur un tempo volontairement étiré, pour répondre, reprendre cette musique créée dans le blues; puis la formidable machine de l’ONJ s’emballe, tout en prenant son temps pour une longue variation comparée à la durée du thème originel! Une compréhension du standard dans sa mélancolie profonde, poignante.

Tim Berne intervient sur 3 titres dont l’étonnant “Kathleen Gray” composition de Pat Metheny et Ornette Coleman, en hommage à une personnalité remarquable, écrivain, artiste pluridisciplinaire qui a produit le documentaire de Shirley Clark (The Connection, 1971) sur Ornette: made in America (1985).

Le final poétique démarre en douceur (les baguettes imprimant un léger beat) vite détrompé par une cavalcade en fanfare qui traite par dessus la jambe, un thème dénommé "symphonique", jusqu’au murmure déclinant en souffle, soupir de retour au silence qui referme l’album!

Cette musique de l'ONJ a pris ses marques assez vite, rencontrant l’adhésion d’un collectif qui a (un peu) tourné, avec des musiciens qui se connaissent, certains reconstituant les pivots de l’ancienne Ping Machine. L’équipage mené avec une efficacité fougueuse parvient à insuffler lyrisme et sensibilité, donne une touche actuelle à cette série de thèmes si bien construits qu’il n’est vraiment pas nécessaire de chercher à (trop) les détraquer. Un certain désordre, juste apparent, est ainsi mis en scène, suite d’emballements, d’échappées libres, embardées suivies de moments plus tendrement rêveurs. Un vif plaisir d’écoute en tous les cas. Fortement conseillé, cet album, voilà notre prescription de rentrée.

Sophie Chambon

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