PASCALE BERTHELOT
SAISON SECRETE
LABEL LA BUISSONNE
www.ecmrecords.com
www.labuissonne.com
CDs – pascale berthelot pianist, art director, pedagog, art-therapist.
Saison Secrète | Pascale Berthelot | La Buissonne (bandcamp.com)
Tout comme la plasticienne Fabienne Verdier1 qui illustre la pochette, en un camaïeu de gris verts sur feuilles d’eau, cette mystérieuse saison, une “cinquième saison, qui chante je ne sais quoi, transition vers un ailleurs inexploré, un état de conscience autre, la pianiste Pascale Berthelot se meut avec la matière. Elle se laisse agir, traverser par le chant du monde, ou autre chose qu’elle n’arrive pas à définir : ça parle au fond de moi...Je ne sais pas le dire et puis le corps sensible prend le relais et la musique parle d’elle même, la musique se fait d’elle même.
Et nous non plus, qui restons sensible à cette valse des correspondances, ces passages entre diverses disciplines qui se conjuguent.
Cinq pièces vibrantes, plutôt longues de “Balance des étoiles” à ce” Clair éclat de l’M” font varier nuances et atmosphères où la pianiste fait se croiser mystères et instantanés en un mouvement continu, dévoilant l’ exigence d’une personnalité musicale à découvrir.
Le piano est l’instrument de coeur de Gérard de Haro, le chef de la Buissonne qui a créé son propre label très singulier : connaissant par ailleurs le travail de Pascale Berthelot, il lui a demandé de jouer avec son piano, le grand Steinway du studio, la pièce maîtresse qui a déjà vu tant de musiciens s’ essayer à ce corps à corps, jouant autant de sensualité que de puissance de frappe.
Rompue au répertoire classique et contemporain, elle se livre alors à un exercice de style, d’improvisation à la manière des baroques et laisse advenir ce que le corps lui dicte, une expérience du solo magistrale où les flux s’épanchent en direct, au prix d’un effort préparatoire, une révélation inconsciente, non contrôlée en tous les cas, attendue, espérée peut être, ou simplement qui se délivre, écrite à l’encre du feutre des marteaux.
Son imaginaire est traversé de multiples influences, car elle n’oublie pas non plus, dans ce projet de littérature musicale, l’accord avec les grands textes, comme celui de la Dixième élégie de Duino du poète Rainer Maria Rilke, traduite par Philippe Jaccottet : il ne s’agit pas d’une illustration des mots ou des encres diluées, mais la musique correspond à la palette de couleurs, de grains, de pigments, comme des rayons de lumières qui percent à travers le feuillage de Fabienne Verdier.
Une expérience de corps en action, où par son cheminement propre, elle s’engage body and soul comme on le chante en jazz, et la musique advient, une transcendance de chaque jour.
La musique varie en couleur et intensité, impressionniste, traversée d’une pulsation brillante, celle d’un piano percussif qui marque son empreinte, mu par cette force mystérieuse et vitale. La fougue suffisamment expressive d’une musique audacieuse, authentique, spontanée, généreuse, si elle n’est pas du jazz, caractérise un certain engagement de la musique actuelle européenne. Moment singulier, qui nous laisse entrevoir tout simplement une certaine expérience des limites, la traversée rarement autorisée des apparences! Cette performance mérite d’être suivie en live mais on saisit grâce à la beauté de l’enregistrement à la qualité inouïe du grain sonore, la teneur de cette aventure, où il est question d’un moment poétique.
Sophie Chambon
(1) Fabienne Verdier s’est passionnée pour la calligraphie chinoise, travaille sur la Montagne Ste Victoire mais aussi sur ces feuilles d’eau, ornements des chapiteaux des abbayes cisterciennes si pures, du XIIème siècle, comme l’abbaye de Silvacane, au pied du Luberon.