Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
15 février 2021 1 15 /02 /février /2021 11:29

NOTHING BUT LOVE «The Music of FRANK LOWE»

Kelley Hurt (voix), Chad Fowler (saxophones ténor & soprano), Christopher Parker (piano), Bernard Santacruz (contrebasse), Anders Griffen (batterie & trompette)

invité sur une plage : Bobby Lavell (saxophone ténor)

Brooklyn, juin 2019

Mahakala Music MAHA-07 / https://mahakalamusic.com/

https://musicoffranklowe.bandcamp.com/album/nothing-but-love

 

La premier écho est un disque reçu récemment de Bernard Santacruz. Le contrebassiste était en 2019 à New York pour le Vision Festival, et le batteur Anders Griffen lui propose d'enregistrer les compositions de Frank Lowe avec des musiciens qui, comme lui, ont côtoyé le saxophoniste disparu en 2003. Bernard Santacruz a fait plusieurs disques, et beaucoup de concerts, avec Frank Lowe. C'est donc une sorte d'hommage collectif par des proches de l'artiste. Le nom du groupe, Nothing But Love, est un clin d'œil à Frank Lowe qui a composé le thème Nothing But Love au titre en forme d'auto-calembour, une composition qu'il a enregistrée sous son nom, et aussi avec le quintette de Billy Bang. Le groupe est au rendez-vous de l'extrême lyrisme qui caractérisait le dédicataire. On est au cœur même de cette effervescence qui vit le jour à l'orée des années 60, et qui se prolonge avec une mélange d'audace et de ferveur, d'intensité et de recueillement. La voix de la chanteuse Kelley Hurt se fond dans les lignes du saxophone avant de s'évader. Chad Fowler prend son essor sur une pulsation irrépressible, et l'on est dès la première plage dans le plus vif du sujet. Le free jazz n'est pas rejoué, il est vécu comme au premier jour. Les compositions sont empruntées à une longue histoire : In Trane's Name, que Frank Lowe avait gravé dans son premier disque en 1973, renaît avec le concours de l'invité, Bobby Javell. On aborde aussi des thèmes du début des années 80, et de plus récents. À chaque fois c'est l'occasion de ranimer le feu sacré d'une musique que certains auraient bien aimé mettre sous le boisseau. On ressent aussi la poésie surgie des mirages anciens (la trompette jouée par le batteur). Avec, comme à la grande époque, des unissons flottants : jouissif, de bout en bout.

BERNARD SANTACRUZ-MICHAEL ZERANG «Cardinal Point»

Bernard Santacruz (contrebasse), Michael Zerang (batterie)

Pernes-les-Fontaines, 14 octobre 2019

fsrecords FSR 27-2020 / https://fsrecords.net/catalogue/cardinal-point/

 

Nous retrouvons Bernard Santacruz pour un autre disque dont la genèse n'est pas étrangère au disque précédent : en 2001, le contrebassiste joue au festival Banlieues Bleues en duo avec Frank Lowe, en première partie du 'Peter Brötzmann Chicago Tentet' dans lequel joue.... Michael Zerang. Ils sympathisent, et après de multiples collaborations dans divers groupes, sur scène et sur disque, ils se retrouvent en studio pour ce duo. Quatre compositions-improvisations conjointes, plus un thème du batteur et deux du bassiste, constituent la matière du CD.

Dès la première plage, c'est une démarche conjointe, ouverte par une séquence rythmique qui offre à chacun le territoire d'une expression, autant individuelle que duale. Et c'est dès l'abord une aventure partagée, entre risque et plaisir. Suit un thème de contrebasse, récurrent et soutenu par des frottements de percussions qui enflamment le lyrisme, sans éclats, mais avec force. Vient alors la batterie, seule, dans une pétition de singularité. Pour la quatrième plage, on retrouve le dialogue : propositions/ponctuations/échanges et autres miracles de l'expressivité. Puis c'est un thème de Bernard Santacruz, sobrement commenté par Michael Zerang. Et pour conclure une version en duo de White Horses, thème que le contrebassiste avait enregistré en solo pour son disque «Lenox Avenue», après une version en trio, avec Jeff Parker et Michael Zerang, en 2001. Sans vous lasser d'intentions descriptives, je voulais simplement souligner la force d'un duo fondé sur l'équilibre, ou plutôt une forme d'équité qui permet, à deux seulement, de composer un beau paysage d'expression collective.

SOUCHAL-NICK-LAZRO-CAPPOZZO «Neigen»

Nicolas Souchal (trompette, bugle), Michael Nick (violons), Daunik Lazro (saxophones ténor & baryton), Jean-Luc Cappozzo (trompette, bugle, objets sonores)

Luzillé (Indre-et-Loire), 30 janvier-2 février 2020

ayler records AYLCD-162 / Orkhêstra

http://www.ayler.com/cappozzo-lazro-nick-souchal-neigen.html

https://ayler-records.bandcamp.com/album/neigen

 

Ce troisième écho nous permet de retrouver quatre orfèvres de l'improvisation radicale, celle où «un coup de dés jamais n'abolira le hasard», où tout est cependant concertation, connivence, communauté. Un son, une note, un appel lancés à l'entour, et l'improvisation prend vie, et la musique avec elle. Du 'je ne sais quoi' et du 'presque rien' vont surgir des horizons, des objets sonores, des univers, avec évidemment les sensations et les émotions qui les accompagnent. Les improvisateurs cheminent de proposition en perception, d'écoute en expression, et nous avec eux, pas à pas. Petits pas ? Grands pas ? C'est selon l'instant, et surtout selon notre faculté à écouter au-delà d'entendre, à imaginer plutôt que subir. Comme le livre s'écrit dans le cheminement du lecteur, la musique improvisée s'invente encore dans l'oreille qui la reçoit. Une expérience pour ceux qui jouent, partagée, ou transformée en une autre expérience pour ceux qui l'écoutent. Il suffit pour cela de s'immerger. D'écouter. D'écouter vraiment.

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0

commentaires

L
Merci et bravo Xavier Prévost d'être encore à l'écoute. Générosité de l'intelligence.
Répondre