GUILHEM FLOUZAT
TURN THE SUN TO GREEN
INOUÏE DISTRIBUTION/ label SHED Music
Sortie le 12 FEVRIER
CONCERT DE SORTIE DU CD 25 MARS au 360 Music Factory
Quatrième album depuis One Way, pour ce jeune batteur trentenaire, qui s’est forgé une identité musicale en devenant songwriter pour un superbe quintet autour de la chanteuse suédoise, Isabel Sörling, musicienne à part entière dans la formation. Sorti sur le label de Tony Paeleman avec lequel le batteur se sent des affinités depuis le CNSM, ce Turn the sun to green est un album-portrait original qui a un effet instantané qui ne s’estompe pas. Si le titre peut évoquer fugitivement Soleil vert, il s’agirait plutôt du Rayon Vert de Rohmer…ce qui se justifie d’autant plus par le choix de la chanteuse que la lumière ne peut qu’intéresser, vu ses origines scandinaves, mais aussi par sa réflexion sur la bioluminescence. En tous les cas, (r)éveiller l’imaginaire de l’auditeur est une qualité précieuse qui manque à beaucoup de musiques actuelles. Et fait retour ici avec un certain succès. Cet album paraît résolument pop, avec des accents folk, cette pop anglo-saxonne qui tourne autour du pouvoir hypnotique des chansons, ces petits bouts d’éternité comme le composaient à la belle époque, les Paul Simon ou Joni Mitchell.
Guilhem Flouzat porte autant de soin aux paroles et à l’écriture (“Letter” inspirée d’Henri Michaux) qu’aux musiques qui leur servent d’écrin: un équilibre entre des mots qui habitent le sens et la voix juste, qui habite la mélodie. Sept chansons portées par la voix étrange, fraîche, lumineuse et souvent haut perchée, voire irréelle de la Suédoise, une sacrée improvisatrice qui explore ici les questionnements d’une vie d’homme, qui ne fait que commencer, dans “Thirty one”. Ouverte à tous les possibles, la ballade de l’amour et du désir dans “Hold back”. Des contenus qui peuvent aussi prendre la forme d’un imaginaire d’enfant (existant ou à venir) dans “Mermaids and Marbles”, évoquant le babil de marmots, l’univers ludique de billes de toutes formes.
Une atmosphère dans laquelle on se sent à l’aise dès la peinture de Marie Larrivée sur la pochette, alors que la musique prend de plus en plus d’importance à mesure que file la voix de la chanteuse, fascinante, à laquelle on s’habitue pour se concentrer ensuite sur l’habillage musical différent de chaque pièce. L’envers du décor se précise, on prête de plus en plus d’intérêt à l’interaction entre le piano toujours élaboré et insolite de Laurent Coq (décidément trop rare), la guitare de Ralph Avital qui sait dialoguer à merveille avec lui depuis longtemps, et brosse des arrière-plans frémissants, la rythmique jamais intrusive mais solide ( le marching band dans “Colors” ) de la basse de Desmond White et du drumming souple, rebondissant du leader. Avec des dynamiques extrêmes, un sens aiguisé des silences, de l’ellipse, d’un vide qui deviendrait ainsi plein.
Guilhem Flouzat utilise pour donner plus de mystère à l’orchestration, un instrument appelé, “un prophète”, synthétiseur “emprunté”chez Isabelle Sörling. Comme s’il avait utilisé, arrangé sa musique depuis sa chambre sur sa petite table à New York, où il est resté 7 ans. Un bricolage heureux, enregistré en un jour seulement, ce qui confère à l’album une belle continuité, une texture de performance acoustique. Le résultat garde un aspect volontiers artisanal, simplement efficace, très “inviting”: voilà un album qui a la bonne longueur, d’une grande fluidité, soyeux, délicat. Une cohérence stylistique précise et précieuse. Plus que prometteur, vivement conseillé en ces temps que l’on voudrait plus confiants et printaniers!
Sophie Chambon