Jonathan Orland Quartet
Something Joyful
STEEPLE CHASE Look out
A lire les notes de pochettes rédigées par Jonathan Orland lui même, on comprend ce qui constitue la force de la musique de son quartet: un jazz sans affèterie, asssez loin de ce que l’on entend dans le registre des musiques actuelles. Avec ce quatrième album depuis l’inaugural Homes en 2012, on remarquera qu’il n’ a pas souvent enregistré avec la même formation, comme pour marquer une étape dans son évolution, de sa quête musicienne. Mais il a su se constituer des partenaires complices au fil du temps et dans ce “Something joyful” qui se voudrait “something else”, le groupe soudé a un tel plaisir à jouer ensemble que cela s’entend au long de l’album d’une grande fluidité.
Une bande-son que l’on écouterait bien volontiers dans un club, qui démarre en fanfare, avec “Someting joyful”. Car enfin, le titre de l’album et de la première compo fait référence à la joie de jouer du jazz avec des musiciens amis, le jazz étant la musique qui advient “hic et nunc”. Ce qui tranche avec l’atmosphère pesante de cette année de pandémie. Un jeu instrumental clair, où, si la virtuosité n’est pas essentielle, la musique n’a de simple que l’apparence. Les dix compositions s’enchaînent en variant les rythmes et les couleurs, déroulant un fil narratif précis. Ce qui permet d’admirer la classe de Yoni Zelnik à la contrebasse et d’Ariel Tessier aux drums et le talent pianistique d’ Olivier Hutman qui a composé un morceau entraînant, lors d’une tournée en Chine du sud à Zhuhai “A night in Zhuhai”. Sans approcher la folie du bop de “A night in Tunisia”, ça swingue drôlement bien! Le phrasé langoureux et lyrique de l’altiste est soutenu par l’énergie rythmique du pianiste, parfait contrepoint. Assez énigmatique avec (“Oops” ), on retrouve le sens et le goût de ballades atmosphériques, comme ce “Petit ballon” qui roule sans se presser, en laissant advenir la beauté des textures et du timbre du saxophoniste alto, mordant, précis, limpide.
Si le jeune saxophoniste n’a pas perdu ses repères, pourtant écrasants, Ornette Coleman et Cannonball Adderley, il leur tire sa révérence et travaille à son propre style, sans maniérisme. On l’attend justement au tournant des standards-il n’ y en a que deux sur les 10 titres qu’il a composés majoritairement). Que ce soit “How about you?” du grand Burton Lane (comédies musicales et films) créé pour une comédie de 1940, Babes on arms avec le couple d’enfants-vedette Judy Garland et Mickey Rooney, repris aussi par Sinatra à ses débuts avec l’orchestre de Tommy Dorsey ou l’immortel “Day Dream” de Billy Strayhorn, l’alter ego du Duke, le quartet les reprend avec une science des standards de la grande époque et une maîtrise rare en changeant le tempo, l’atmosphère sans dénaturer la mélodie chantée à l’époque. Sans cliché où le swing constant n’est jamais forcé. Un album et un groupe recommandé vivement!
Sophie Chambon