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16 avril 2021 5 16 /04 /avril /2021 13:14

Clovis Nicolas, Français basé à New York depuis plus de 15 ans, et Michael Formanek, Californien du New Jersey qui enseignait à Baltimore dans le Maryland, ont en commun de publier ces temps-ci un solo de contrebasse. Pour Michael Formanek, ce n'est pas une première : il avait tenté l'exercice en 1998 avec «Am I Bothering You ?» sous étiquette Screwgun Records, le label de Tim Berne. L'Américain va bientôt avoir 63 ans, le Français affichait tout récemment 42 printemps, et s'ils côtoient des familles esthétiques différentes, leurs disques ont en commun, entre d'autres critères, le goût de l'immersion dans l'instrument et ses multiples langages.

CLOVIS NICOLAS «Autoportrait (solo)»

Clovis Nicolas (contrebasse)

New York, septembre 2020

Sunnyside SSC-4117 / Socadisc

 

Clovis Nicolas a commencé à travailler sur ce projet de solo en septembre 2019, avant la pandémie du Coronavirus 19 donc, mais il lui a fallu attendre un an pour le concrétiser. Maturation pendant une période compliquée, mais finalement éclosion d'un objet rêvé depuis que Clovis Nicolas avait assisté, à Marseille, à un solo de Dave Holland. Après une première esquisse, c'est lors d'une rencontre avec le contrebassiste et producteur Daniel Yvinec que le projet a pris forme, jusqu'à sa réalisation. Le disque commence par une sorte de partita , intitulée After Bach pour bien signifier la référence : un univers où la musique et l'instrument sont indissolubles. Au fil des plages Hot House de Tadd Dameron, immortalisé par Gillespie et Parker, et donné ici dans le dépouillement essentiel d'un univers où la ligne mélodique et les accents ne font qu'un ; et aussi Line Up de Lennie Tristano, autre paradis de l'accentuation et de la syncope, sans oublier Lady Bass, course folle du bassiste qui est sa propre section rythmique. Et puis une version très inspirée, et très libre, du célèbre Body and Soul, emporté très loin de ses bases comme le fit naguère Coleman Hawkins. À quoi s'ajoutent des compositions personnelles qui toutes creusent le sillon de la singularité de cette aventure en solo. Plus loin Solitude d'Ellington, comme un chant de mélancolie profonde, puis un hommage de Clovis Nicolas à sa mère qui l'encouragea à poursuivre sur la voie de la musique. Belle surprise aussi que Jubilate Deo, où le solo de contrebasse précède, comme en miroir, la version pianistique de Kendall Durelle Briggs qui fut pour le bassiste un professeur d'harmonie à la Juilliard School. Pièce maîtresse de l'ensemble : Four Steps, premier thème élaboré à la naissance du projet et bel hommage à Dave Holland qui l'inspira. Et pour conclure retour au standard avec Everything Happens To Me, traité avec une sinuosité amoureuse. Très bel autoportrait que cette déambulation dans les multiples facettes de la contrebasse, du jazz.... et de la musique, tout simplement.

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Un avant-ouïr sur Youtube

https://www.youtube.com/watch?v=d-q1-P573uI

MICHAEL FORMANEK «Imperfect Measures»

Michael Formanek (contrebasse)

Baltimore, 10 septembre 2017

Intakt CD 359 / Orkhêstra

 

Pour Michael Formanek, le projet a été conçu, et enregistré avant la pandémie. Le déclencheur fut le moment où le contrebassiste mettait fin, courant 2017 et après de nombreuses années, à son activité d'enseignant à temps plein au conservatoire de Baltimore. Comme il l'explique dans le très éclairant livret du CD, la plupart des pièces sont improvisées, certaines totalement, d'autres conçues à partir d'une esquisse, mais sans partition. De longues improvisations, d'environ une vingtaine de minutes, élaguées et montées pour réaliser le disque. Et tandis que le contrebassiste jouait, son ami le peintre et illustrateur Warren Linn dessinait ; ses esquisses retravaillées donnèrent ensuite des œuvres graphiques qui illustrent la jaquette du CD et son livret. Démarche singulière donc, qui combine le surgissement de l'instant et l'élaboration a posteriori. Le disque commence par Quickdraw, qui peut s'entendre à la fois comme faire un croquis rapide ou dégainer prestement. Bref on est dans le vif du sujet : l'improvisation croquée par le peintre-dessinateur. Après cet incipit très vif, une mélodie lente et profonde, On The Skin, à fleur de peau, s'aventure aussi dans des méandres musicaux qui déjà nous entraînent loin de nos repères. Puis c'est un voyage aventureux dans des modes de jeu, à l'archet ou en pizzicato, qui font parler l'instrument sur le terrain de l'expressivité autant que de la densité musicale. Torrent rythmique ou mélancolie chantante, toutes les facettes de l'instrument, et de la musique, sont dévoilées, avec l'ardeur d'un artiste pour qui la maîtrise instrumentale n'est qu'un moyen de tutoyer les sommets. Et pour conclure The Stand, qui nous ramène aux fondamentaux de l'instrument dans le jazz : belle escapade solitaire dans les immenses possibilités de la contrebasse. Et belle réussite !

Xavier Prévost

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Un avant-ouïr sur Bandcamp

https://michaelformanekintakt.bandcamp.com/album/imperfect-measures-2

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