Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
13 mai 2021 4 13 /05 /mai /2021 19:19
Mauro GARGANO Alessandro SGOBBIO Christophe MARGUET  FEED

Mauro GARGANO Alessandro SGOBBIO Christophe MARGUET

FEED

DIGGIN MUSIC PROD /ABSILONE SOCADISC

SORTIE 7 MAI 2021


Au vu de sa discographie, on connaît surtout Mauro GARGANO comme l’indispensable accompagnateur de musiciens avec lesquels il a su tisser des liens indéfectibles. Il a néanmoins créé en 2009 son premier groupe Mo’Avast ( “ça suffit” dans le dialecte des Pouilles), ce qui n’est pas un détail.

Il revient avec une nouvelle formation et un album, simplement intitulé FEED, conçu en plein Covid, entre avril et septembre 20. Alors que beaucoup d’artistes confinés se réservaient en solo, le contrebassiste est la pierre angulaire d’un trio inspiré qui se réinvente au fil des morceaux, huit pièces vibrantes qui donnent à ces “nourritures” une cohérence rare. S’il rend justice à certaines influences (dans “Feed”, il suit Craig Taborn qui privilégie la basse comme ligne principale de la mélodie), le contrebassiste donne une interprétation libre et rigoureuse qui doit beaucoup à la performance collective, à l’alliage efficace des timbres, à une fusion dans le flow de l’improvisation, à une vision d’ensemble clairement exposée. La musique suit une ligne imaginaire reliant rock prog, fragments de folk (“Lost wishes”), chanson italienne, harmonies municipales pendant les processions de Pâques (“Ilva’s Dilemma”) mais aussi le contemporain et le jazz qui s'exprime parfois en "petits motifs rythmiques, répétés avec de petites variations", sorte de haïkus musicaux.

Communiant fiévreusement avec les rythmes jamais ralentis d’un Christophe Marguet qui s’épanouit dans les crescendos, la pulsation demeure l’élément dominant du trio, avec du tranchant et une détermination que l’on peut après coup, associer au danger de l’orange de la pochette, couleur radioactive”, criminelle et polluante. Pas de sentimentalisme ni d’autofiction dans cette musique qui chante par ailleurs l’amour des Pouilles natales, l’attachement à une certaine culture.

Son “message” fait remonter une émotion vive, une rage devant l’injustice que font endurer aux plus faibles les puissants. Par deux fois, Arcelor Mittal est désigné comme le responsable hautement criminel dans Ilva’s dilemma” et “The red road”, une histoire dramatiquement actuelle qui nous est racontée par la musique. Le contrebassiste réfléchit encore à cette période étrange du confinement (“Keep Distance”) où il fallut recoller les morceaux d’un moi brisé, rassembler les fragments épars, regarder au delà, pour ne pas perdre pied, comme dans ce “Look Beyond The Window” dans une spirale qui aspire jusqu’au vertige, avec un batteur lui aussi imprégné de cet esprit de Résistance .

Feed alterne aussi des moments élégants, de répit, teintés de mélancolie, frémissements où le pianiste Alessandro Sgobbio détache les notes du silence. La musique composée par Mauro Gargano a la juste gravité pour exalter ce “soulèvement” émotionnel. Tout ce qui lui importe est d’aller au bout de son idée. Et il atteint son but puisqu’elle résonne encore fort dans notre conscience, longtemps après l’avoir écoutée.

 

Sophie Chambon


 

Partager cet article
Repost0

commentaires