Joëlle Léandre (contrebasse, voix, comprovisations)
Calès (Lot), 18 juillet 2021
Ayler Records AYLCD-169 / Orkhêstra International
Un disque issu d'un enregistrement de concert, comme Joëlle Léandre aime le faire, car elle a de longtemps privilégié ces captations 'sur le vif' qui sont essentielles à l'idée même de musique improvisée. Cela se passe dans l'église d'un petit village (moins de 200 habitants), situé entre Rocamadour et Payrac. On n'est pas très loin de Souillac (une dizaine de kilomètres à vol d'oiseau, un peu plus par la route...), qui inscrit ce concert dans la programmation de son festival (qui va, cette même année 2021, de Michel Portal et Bojan Z à Vincent Peirani-Émile Parisien, en passant par Daniel Erdmann ou Yaron Herman.... et Joëlle Léandre : spectre large!).
Le disque indique, outre les instruments de la musicienne (sa contrebasse, et sa voix), comprovisations. Ce mot valise renvoie très précisément à l'Art singulier pratiqué par Joëlle Léandre et beaucoup d'autres artistes : créer, dans l'urgence de l'instant, une musique qui est plus que le surgissement d'une idée musicale en acte. Ce dont il est ici question, c'est plutôt d'une œuvre en devenir permanent, une construction qui mêle l'expression instantanée, la trace des cultures (musicales, instrumentales-liste non exhaustive-) et le projet en mouvement qui conduit chaque seconde de musique vers un terme qui ne se connaît pas encore. C'est exactement le pari un peu fou qui se joue chaque fois, à chaque concert. Une forme en mouvement s'élabore, et se compose, pas à pas. Et ce jour-là était un jour faste : la magie s'est exercée de manière absolue.
Chaque séquence obéit à une dramaturgie spécifique, presque un rituel. On peut partir d'une ligne extra-tonale, jouée à l'archet, qui s'embarque ensuite dans un emballement vers l'aigu, pour se résoudre en un lent retour vers le silence. Ailleurs la voix, et des sons percutés, viendront en renfort d'un surgissement bruitiste, presque tellurique. L'archet est privilégié au fil du concert, qui laisse le pizzicato en retrait. C'est souvent lyrique, incantatoire, engagé. L'essence de l'Art, en somme.
Xavier Prévost
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Un avant-ouïr sur Bandcamp
https://ayler-records.bandcamp.com/album/at-souillac-en-jazz