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20 avril 2022 3 20 /04 /avril /2022 17:24
RENE BOTTLANG  RALF ALTRIETH    NUMBERS

RENE BOTTLANG/ RALF ALTRIETH

NUMBERS

Meta records/ Socadisc

www.metarecords.de

 

Numbers, voilà un nom d’album en parfaite adéquation avec des titres en espagnol formant une série de nombres, sans correspondre à leur ordre de classement. Etrange...

Enregistré à la Buissonne pour le compte du label indé allemand Metarecords, fondé en 1999 autour du jazz et du classique, par Johannes Reichert et Ralf Altrieth, c’est à la découverte d’un duo pétillant et efficace que l’on assiste, celui du pianiste suisse René Bottlang et du saxophoniste allemand Ralf Altrieth. Un travail artisanal au sens le plus noble du terme, depuis la pochette peinte par le saxophoniste, également peintre, jusqu’ au livret-carnet de photos des deux musiciens, tableaux de leur séjour en Provence, tout un art de vivre que partagent ces exilés volontaires, adoptés et adaptés au Sud.

Musiciens paysagistes, inspirés par leur environnement naturel, ils creusent les possibilités de leurs instruments en 18 petites pièces, toutes du pianiste. Reste à tenir la route sur la durée mais le résultat est convaincant avec ce récital au répertoire métissé. Leur complicité manifeste, l’homogénéité de leur duo chambriste y est pour beaucoup. La séduction immédiate qui émane de ce duo fusionnel, complice en tous les cas, entraîne dans les méandres et rêveries d’une balade/ballade, sur une ou deux ailes, comme on voudra. On suit en effet les chemins d'un compagnonnage qui a su vite fusionner genres et styles, dans une grande clarté de discours, porté par le son impeccable de la Buissonne. Ces performances ont la teneur d’une aventure, des moments poétiques, des formes ouvertes, structurées néanmoins, alternance de pièces enlevées avec d’autres aux cadences moins rapides.

Trop méconnu, René Bottlang est un pianiste original qui compte à son actif une remarquable suite d’échappées libres ou belles selon la formule de son compatriote Nicolas Bouvier. Les Suisses savent s’échapper, on le sait. Il a d'ailleurs pas mal bourlingué... jusqu’en Mongolie d’où il revint avec un album pour le label avignonnais Ajmi series, un solo Solongo évoluant entre musique classique et jazz. Toujours aventureux, désireux de se frotter à d’autres musiciens, René Bottlang a tourné dans pas mal de groupes avec Charlie Haden, Barre Philips, Phil Minton. En Provence, c’est Jean-Paul Ricard qui le fit jouer avec André Jaume, Bruno Chevillon, Guillaume Séguron. Je me souviens d’un duo décoiffant à Arles à Jazz au Mejan en 2014, avec Louis Sclavis… Aussi n’est il pas étonnant de le retrouver dans pareille configuration avec cette fois un saxophoniste ténor et soprano. Ralf Altrieth que l’on découvre n’est pas pour rien dans l’installation d'un climat serein et vibrant, intemporel. Les tempos plutôt vifs laissent  respirer ses phrases dans une fluidité mélodique. Le piano est  archipel, singulier pluriel, percussif, chaloupant, en parfait écho les volutes soyeuses des saxophones.

Un art narratif sans débordement romantique mais romanesque, le long de compositions rythmées, plus acrobatiques qu’il n’y paraît. Des notes en pluie serrée et persistante, un martèlement audacieux du clavier, des superpositions d’accords et brisures rythmiques composent un chant profond, une mélodie jamais heurtée pourtant, dansante même. Cette conversation musicale est pleine de rebondissements, de traits vifs, de fulgurances, de changements d’humeur, d’expérimentations sur le son, le souffle où le silence joue aussi son rôle. Si, sur l’une des photos, on voit les deux amis jouer assis, d’un air faussement détaché, autour de verres de rosé (on est en Provence !), ils ne se laissent pas troubler dans leur partition, chacun jouant alternativement le rôle de soutien pour l’autre. Appliqués à peaufiner leur matière, dans ces miniatures réclamant un équilibre particulier, ils s’adaptent en permanence au caractère des pièces sans oublier de s’écouter, tout leur art résidant dans cette manière légère.

Sophie Chambon

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