Une escale de deux jours au Festival ‘Jazz in Arles’, après une édition annulée (2020) puis une autre décalée en juillet, et dans un autre lieu. Retour bienvenu dans la magnifique Chapelle du Méjan, son intimité, son acoustique et son très bon piano.
Le festival avait commencé par un prélude les 10 & 11 mai, et entreprenait cette fois son rush conclusif
Le 17 mai fut la soirée du grand retour de ‘Yes Is A Pleasant Country’, le trio qui associe depuis maintenant vingt années la chanteuse Jeanne Added, le saxophoniste Vincent Lê Quang et le pianiste Bruno Ruder.
Trois personnalités musicales fortes, tant par leur maîtrise que par leur liberté et leur créativité. On a peu entendu le trio en concert depuis que la chanteuse a entrepris sous son nom une autre carrière dans un univers musical différent, avec l’exigence artistique et le succès que l’on sait. Les écouter à nouveau était déjà une promesse, et l’attente fut comblée. Depuis le disque de 2008, le répertoire a évolué : de nouvelles compositions, et des standards différents de ceux adoptés antérieurement, mais toujours quelques-uns des poèmes de Yeats et Cummings qui constituaient le socle du répertoire originel. Le concert commence avec Goodbye, magnifique standard, un chef-d’œuvre du genre, qui sera traité avec ce niveau d’expressivité et d’inventivité qui est la marque de ce trio hors-norme. Fats Waller, et d’autres, seront remodelés avec la même insolente créativité. Et les thèmes originaux seront tous l’objet d’interprétations-improvisations qui chaque fois franchissent avec brio la balustrade des possibles. Vous l’aurez compris : ce fut un pur enchantement !
Le 18 mai le festival accueillait ‘Pronto !’, le groupe codirigé par le saxophoniste ténor Daniel Erdmann et le batteur Christophe Marguet, et qui les associe à la contrebassiste Hélène Labarrière et au pianiste Bruno Angelini.
Le groupe ‘Pronto !’ joue le répertoire du disque éponyme, paru récemment. La version de concert est sensiblement différente, plus sujette encore aux emportements, aux dialogues virulents, à la prise de risque et au vertige de contrastes dynamiques violents. Le saxophone part en douceur, dans une sonorité et un idiome qui nous rappelle la transition entre le jazz classique et le jazz moderne, et bien vite les dialogues croisés deviennent intenses, entre tous les membres du quartette. Le batteur joue à main nue, comme il aime à le faire (il y excelle !), la basse apporte un soutient tellurique qui n’empêche pas les escapades, le piano s’évade et s’enflamme volontiers, et le saxophone déploie de multiples palettes avec une maestria incroyable. L’idiome et le rythme sont en vue, mais les escapades sont nombreuses : ce sera le cas tout au long du concert, oscillation presque constante entre intensité extrême et infinies nuances, avec un sens remarquable du collectif. Nous sommes transportés par cette effervescence, jusqu’au rappel, qui évoluera d’un thème lent et lyrique jusqu’à un crescendo rythmique et dynamique qui confirmera, s’il en était besoin, la soif d’urgence de ce beau quartette.
Je quitte à regret les rives du Grand Rhône, mais d’autres concerts, d’autres chroniques, m’appellent ailleurs. Les jours suivants Jazz in Arles accueillera le pianiste Jeb Patton, Claude Tchamitchian en solo, Émile Parisien en sextette et Géraldine Laurent en quartette….
Xavier Prévost