Jean Michel Bernard
The Singular World of Jerry Goldsmith
Label Cristal records/Distribution Quaartz
The Singular World of Jerry Goldsmith | Jean-Michel Bernard | Cristal Records
Thierry Jousse qui dirigea un temps les Cahiers du Cinéma ne perd jamais une occasion de parler de musique dans Ciné tempo, le samedi à 13h. C'est dans une autre de ses émissions de France Musique, disparue aujourd'hui, Cinéma Song que j'ai découvert Jean Michel Bernard. Talentueux pianiste, compositeur, orchestrateur, il a très vite été reconnu par Ray Charles avec lequel il a tourné en quintet de 2000 à 2003 et Lalo Schifrin le considère comme un "soul brother", ce qui n'est pas rien. Car chez ces musiciens, il n'existe aucune ségrégation entre les styles de musiques mais une interpénétration savante et ludique. En France, c'est avec les films de Michel Gondry qu'il a commencé à se faire entendre (La Science des Rêves et le très réussi Soyez sympas, rembobinez…).
Après sa relecture, toujours chez Cristal Records, en 2018 des succès de Lalo Schiffrin, JM Bernard s’attaque logiquement à un autre génie de la musique de films, moins connu sans doute du grand public, Jerry Goldsmith qui composa de très nombreuses B.O à caractère symphonique pour Hollywood. Suite à une commande de l’opéra de Bordeaux pour le festival Ciné notes dont c’était la troisième édition en mars dernier, Jean Michel Bernard au piano et à la direction, s’est entouré de la même fine équipe de solistes, des musiciens classiques d'orchestre (dont le corniste Jean Michel Tavernier) ou soliste comme le violoniste Laurent Korcia, un combo explosif de jazzmen dont le formidable Frederic Couderc à la flûte, aux sax alto et soprano, le trompettiste mentonnais Eric Giausserand et les maîtres de la rythmique Pierre Boussaguet et François Laizeau, le percussionniste Jean François Durez. Sa femme Kimiko Ono chante sur plusieurs thèmes.
JM Bernard reprend en les réinterprétant 18 des plus belles partitions de Jerry Goldsmith dont beaucoup de films d’action et de S.F : Total Recall, Rambo ( First Blood), la Star Trek Suite, Gremlins, Poltergeist, The Omen (La malédiction), Papillon, Our Man Flint, The Wild Rovers. Jerry Goldsmith a également travaillé pour la télévision et on sera heureux de retrouver la pulsation dynamique de The Man from U.N.C.L.E, série-culte des années soixante où les agents très spéciaux Napoleon Solo et Ilya Kuryakin étaient joués respectivement par Robert Vaughan et David Mc Callum.
JM Bernard a quelques points communs avec son modèle, l’énergie rythmique, le sens de l’orchestration, la maîtrise des timbres et des couleurs, l’art de varier approches et styles sans chercher à illustrer ce qui se joue à l'écran, comme dans cette envoûtante ballade américaine que l’on n’attendrait pas dans le punchy Rambo. Chinatown est repris de façon tout à fait originale comme un vrai standard de jazz avec une trompette fragile et émouvante. Quant à Basic Instinct, un autre grand succès de Jerry Goldsmith, difficile d’oublier le thème principal du film de Paul Verhoeven, l’un des plus saisissants, le suspense étant rendu par des weird effects, comme un glockenspiel qui minuterait le temps et l’angoisse.
Avec cet album qui ne manque ni de souffle ni de tranchant tout en déployant une riche palette musicale, on (re)découvrira le talent de Jerry Goldsmith tout en comprenant combien la formation réunie autour de JM Bernard a saisi la démarche de l'arrangeur et magnifié sa relecture. Le montage multiplie les approches, des solos classiques d’une intensité poignante de Laurent Korcia (The Russia House) à la trompette jazz agile dans Chinatown jusqu’à des effets jazz rock avec les guitares de Philippe Hervouët, ou de country pour le western insolite de Blake Edwards The Wild Rovers sans oublier le parfum d’une ballade irlandaise dans Rudy avec la flûte de Frédéric Couderc.
Merci au label rochelais Cristal de faire preuve de cet éclectisme et de réunir nos deux passions jazz et cinéma dans le bel ouvrage de Jean Michel Bernard .
Sophie Chambon