MICAH THOMAS : « Piano solo »
LP3 45 2022
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Lorsque le jeune pianiste de 23 alors entre dans le studio de Brooklyn en octobre 2020, il ne s’agissait au départ que d’enregistrer que 5 titres. Et là se produit une sorte de miracle. Ces 5 premiers titres, tous enregistrés en une seule prise atteignent un tel niveau que tout le monde dans le studio est stupéfait. Changement de programme immédiat. Il n’est pas question d’interrompre un tel moment de grâce. La production décide d’allonger la séance et de capter 12 titres ( toujours en first take) pour livrer au final un double album. Le premier du pianiste. Le moment était rare, exceptionnel. Une sorte de moment de grâce.
Alors, autant le dire tout de suite, ce qui vient de nous arriver de la part de ce jeune pianiste américain que nous ne connaissions quasiment pas ( si ce n’est par sa participation aux côtés de musiciens comme Immanuel Wilkins ou JD Allen), c’est une bombe ! Un moment de musique littéralement EXCEPTIONNEL.
Micah Thomas signe donc ici son premier (double) album en solo autour des grands standards du real book. Et dans cet exercice, malgré son jeune âge il assume totalement l’école des grands classiques et des maîtres. La révérence envers Art Tatum y est évidente. Beaucoup parlent de la maturité du jeune pianiste. De notre côté c’est moins cela qui nous frappe. C’est surtout son intelligence de jeu et son incroyable fraîcheur. Car tout y est !
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Micah Thomas se joue des harmonies pour réinventer sans jamais travestir ces thèmes que l’on connaît par cœur. Sa science de l’improvisation au cours de ces sessions est littéralement sidérante, tournant toujours autour de la mélodie avec un appétit et une sorte de curiosité gourmande. Son attaque si légère et souple du clavier laisse imaginer qu’il ne s’agit que du prolongement organique de sa main et donc de son cerveau et donc par voie de conséquence de son cœur. Les phrases déliées s’enchaînent avec une vélocité qui est tout sauf virtuose ( The way you look tonight) et avec une intelligence harmonique hors du commun. Une sience du placement aussi, qui impressionne. Et quand il attaque des thèmes au tempo plus lent, c’est comme si son art de l’improvisation nous révélait d’un coup toutes les richesses que nous n’avions pas vues avant ( April in paris, Autumn in New york, Estate….). Comme un redécouverte de ces thèmes dont les détours qu’il prend nous semblent d’une absolue évidence. Ecoutez l’intro sur Over the rainbow et vous en aurez la parfaite illustration.
Si maturité il y a, c’est que l’on s’attend pour tel chef d’œuvre à ce que le pianiste soit un maestro ayant déjà bourlingué et exploré tous les territoires du piano jazz. On ne peut donc être qu’ interloqués qu’à cet âge il ait déjà si bien assimilé l’essence de ce jazz.
Mais au final tout cela n’est pas bien important. Ce qui importe c’est que Micah Thomas, porteur et passeur de cette tradition du jazz nous ramène avec un incroyable brio et avec une générosité à fleur de peau aux fondamentaux de cette musique. Elle est d’une évidence lumineuse. Elle rend heureux.
Pour son premier album, Micah Thomas signe tout simplement un chef d’œuvre.
Déjà incontournable !
Jean-Marc Gelin
Lien radio France . Open Jazz juin 2020