Thomas Naïm On The Far Side
Label Rootless Blues/ Metis records
L’autre Distribution
CONCERT LE 14 FEVRIER AU ZEBRE DE BELLEVILLE
On The Far Side du guitariste Thomas Naïm est un album captivant dès la première écoute et le plaisir ne diminue pas à la réécoute. Autrement dit, il ne déçoit pas.
Dès l’introduction “Endless Memories”, l’atmosphère est posée : on évolue dans un polar urbain années 70 avec le doux ronflement de l’orgue Hammond et le drive souple de la rythmique sur un thème qui s'insinue et s’accroche. “Slow Blues”creuse cette même piste, sans embardée de guitar hero, Thomas Naïm suivant plutôt les traces d'un Bill Frisell qui en est pourtant un!
Ainsi se met en place avec un sens mélodique certain, une suite de 9 compositions toutes de la plume du leader, d’une grande fluidité dans une véritable circularité de morceaux, sombres mais enlevés.
Musique d’un film rêvé,Thomas Naïm a dû rêver son disque et il est parvenu à le réaliser sur son propre label Rootless Blues, en choisissant avec soin ses complices de jeu, sous le regard extérieur d’un directeur artistique, Daniel Yvinec, conseiller avisé dès le début du projet. Une vraie formation s’est créée à partir du trio avec lequel Thomas Naïm a élaboré 5 albums en dix ans, une histoire de fidélité avec Raphaël Chassin à la batterie et aux percussions et Marcello Giuliano à la basse électrique et contrebasse. Le guitariste a osé prendre un autre instrument harmonique et c'est le pianiste Marc Benham qui intervient avec bonheur à l’orgue. Quant au saxophoniste ténor, il s’agit de Laurent Bardainne qui, sur 3 titres dont “Kite” et “Lincoln Circus” s’ajuste parfaitement à l’esthétique du projet, une bande-son qui accompagne un itinéraire étrange, une escapade On the far side qui évoque l’Amérique profonde, les grands espaces de l’ouest. La guitare recrée les images du genre ou plutôt les contourne tout en restant dans la même perspective, horizontale.
Thomas Naïm laisse en effet beaucoup d’espace à ce trio dépouillé; et si l’orgue n’en rajoute pas, il crée un "mood" avec des notes tenues et une couleur bienvenue, le sax affolant cette musique, surtout quand il se mêle aux secousses, saccades de guitares. Jusqu’aux larges accords du “Gypsy” final, composition déjà enregistrée qui ne dépare pas l’ensemble quand elle est rajoutée en superposant des guitares, avec des effets de “re re”.
Ouvert à toutes les influences, le guitariste écrit un jazz teinté de rock aussi réfléchi que sensible. Sans sombrer dans l’imitation, même s’il a beaucoup écouté ses modèles autant dans le jazz (Grant Green, Wes Montgomery, Kenny Burrell...) que le rock (Jimmy Page, Jeff Beck...) et bien évidemment Jimi Hendrix qui lui a d’ailleurs inspiré son album précédent The Sounds of Jimi.
Le voyage à travers cet album réserve quelques surprises, on se laisse embarquer volontiers avec ces ballades bluesy, au climat onirique et crépusculaire. Un “Little dreamer” très orchestré nous enveloppe dans un cocon doux, vaporeux par petites touches de la basse. “The walk” qui suit débute au piano, mélodie flottante où de petits fragments éveillent en échos images cinématographiques et souvenirs d’autres trips. Ces petites formes, ces fredons qui restent en mémoire comme dans "Kite"- suspensions, ritournelles plus que ressassements, ces esquisses ont une force envoûtante, énigmatique.On verrait bien des voix se poser sur ces musiques, comme dans cette complainte “No Way Home” tant les compositions de Thomas Naïm s’apparentent à des chansons. Un compliment pour celui qui a accompagné si souvent de grandes chanteuses.
Sophie Chambon