Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
18 octobre 2023 3 18 /10 /octobre /2023 18:15

 

photo de Gérard Rouy

 

Si je mets en exergue cette photo de Philippe Carles en compagnie de Jimmy Giuffre à Amiens en 1990, c’est que, jeune amateur de 19 ans, j’avais avec émerveillement dévoré son article intitulé ‘Jimmy joue free’ dans le Jazz Magazine n° 154 de mai 1968…. Je lisais ses articles depuis mes années-lycée, et dès le début des année 70 je l’avais écouté sur France Musique. Jazzophile forcené, j’avais publié deux ou trois bricoles dans la presse régionale de Lille vers l’âge de 20 ans, et j’avais aussi donné dans la radio-pirate quelques années plus tard. En participant activement, fin 1980, à la création de Radio K, radio francophone émettant d’Italie, près de San Remo, j’avais fait la connaissance de Barney Wilen, à l’époque encore basé à Nice. Barney avait conseillé à Philippe de me recruter, et dans le numéro de février 1982 j’écrivais pour la première fois dans JazzMag. Radio K venait de fermer pour des raisons liées au fait que le nouveau pouvoir français voyait d’un mauvais œil une radio autogérée, de droit coopératif italien, qui s’obstinait à faire de la publicité, sa structure autogérée la protégeant des pressions commerciales, politiques, et autres…. En ce même février, postulant à France Musique, je fus reçus par son directeur René Koering. Et manifestement pour lui le fait que, en plus d’une vraie expérience de radio, je collabore à Jazz Magazine, compta pour beaucoup dans sa décision de m’engager quelques semaines plus tard. Il faut dire que Philippe était un pilier des programmes-jazz de la station musicale depuis plus de dix ans (tout comme plusieurs autres collaborateurs du magazine), et ce fut probablement décisif. Je devais donc à Philippe l’ultime ’coup de pouce’ qui me ferait entrer pour 32 ans dans le métier de radioteur sur une chaîne nationale et, jusqu’à aujourd’hui, de chroniqueur de la chose syncopée. Philippe me fit confiance très tôt. En mai 1982 j’étais au festival Du Mans pour le magazine. La grande époque : un compte rendu de deux pages, avec des photos signées Horace. Je rends mon papier : c’était une année italienne, et je qualifie de décevante la prestation d’Enrico Rava (que je vénère). Philippe me dit son embarras, car Enrico est pour lui un ami de longue date. Je lui dis : n’édulcore pas mon compte-rendu, mais si le paragraphe qui concerne ce groupe te gêne, supprime-le…. Philippe me fit confiance, et la chronique parut en septembre (il y avait un temps de latence lié aux festivals d’été). En octobre de la même année je suis à New York. Je viens écouter le groupe de tubas rassemblé par Howard Johnson (groupe qui deviendra ‘Gravity’). Je parle avec le tubiste qui me décrit son projet quand arrive un musicien que je tarde à reconnaître. Il a désormais les cheveux courts, et plus de moustache. Howard Johnson fait les présentations. ‘Ah c’est vous’ me dit Enrico Rava. ‘Vous avez été plutôt gentil, car j’ai joué beaucoup plus mal que vous ne l’avez suggéré’. À mon retour Philippe adora l’anecdote. Philippe me fit toujours confiance,et ce vieux souvenir dit assez l’importance qu’il a pu avoir dans mon parcours, et la peine que m’ont causées sa maladie, puis sa disparition le 14 octobre. So long, Philippe.

Xavier Prévost

Partager cet article
Repost0

commentaires

M
Vous avez raison, aujourd'hui, quand on pense à la mort de Philippe Carles, on a de la peine, car on sait qu'on ne trouvera pas avant longtemps un journaliste de jazz de cette qualité.
Répondre