Mal Waldron (piano), Steve Lacy (saxophone soprano), Reggie Workman (contrebasse), Andrew Cyrille (batterie)
Anvers, Centre d’Art De Singel, 30 septembre 1995
Elemental Music 5990546 (2 LP ou 2 CD) / Distrijazz
Un inédit, capté en concert à Anvers. Le premier disque qui rassembla le pianiste et le saxophoniste date de 1958. C’était un quartette sous le nom de Lacy, avec Buell Neidlinger et Elvin Jones (Steve Lacy ‘Plays Thelonious Monk -Reflections’, label New Jazz). Il se sont retrouvés régulièrement sous le nom de l’un ou de l’autre, et dans différentes configurations, à partir des années 70. J’ai le souvenir de les avoir écoutés ensemble en club à Paris au début des années 80, et ils se sont dès cette époque beaucoup produits en duo, en Europe, au Japon.... Le précédent duo publié datait de 1994, en studio à Milan.
La musique, captée sur le vif du concert, est l’exact reflet de ce qu’ils étaient, et portaient dans leur art : singularité, exigence artistique et musicale, liberté farouche. Au répertoire de ce double disque, des compositions de l’un et de l’autre, et un thème de Reggie Workman, avec aussi, bien évidemment, deux thèmes de Monk, le singulier suprême ! Quand commence Monk’s Dream, on se rend comte que le piano n’est pas très bien accordé, comme c’était le cas au Five Spot de New York pour Monk en 1958, Randy Weston en 1959, ou Mal Waldron accompagnant Eric Dolphy dans ce même club en 1961…. Mais quelle importance au fond : la musique est là, très intense, et très libre. Une musique qui fait la part belle à leurs deux partenaires, en solistes, comme dans de fiévreux dialogues. Dans le copieux livret, une foule de commentaires et de témoignages d’artistes (Andrew Cyrille, Reggie Workman, Jane Bunnett, David Virelles, Dave Liebman, Vijay Iyer, Evan Parker...) et de proches, font revivre ces grands figures en cernant au plus près ce que Lacy et Wadron avaient de tellement important, de si particulier, bref tout ce qui les rendait artistiquement puissants (ce que suggère le titre ; quant à moi je dirais plutôt féconds). En ces temps où le labels exhument beaucoup d’inédits parfois peu essentiels, c’est un réel bonheur de voir surgir ce témoignage exceptionnel.
Xavier Prévost