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14 mai 2024 2 14 /05 /mai /2024 10:03

     « J’envisage toujours la musique comme quelque chose en progrès, une façon de progresser soi-même ». Cette confidence de Christian Escoudé, figurant dans le livret de son dernier (et ultime) album « ANCRAGE » (Label Ouest/L’autre distribution) sorti dans les bacs en avril prend une résonance particulière ce 13 mai, à l’annonce du décès ce jour même du guitariste, à 76 ans.
 

 

     Affaibli, le jazzman n’avait pu honorer les deux concerts prévus les 3 et 4 mai au club parisien Le Sunside. Ecouter ce disque permet de mesurer l’ouverture d’esprit d’un guitariste qui tout en respectant l’héritage de son frère de la communauté manouche, Django Reinhardt, revendiquait un attachement aussi bien à la chanson française (Bécaud, Aznavour ici et dans des temps anciens Brassens) qu’au jazz West Coast, par un hommage à Paul Desmond, tout en délicatesse. (Il me revient l’hommage qu’il rendit en 2014 lors d’une cérémonie de remise des prix de l’Académie du Jazz au théâtre du Chatelet à un prince de la guitare, Jim Hall).
 

     « Champion du phrasé souple et du lyrisme », selon le chroniqueur Xavier Prévost, Christian Escoudé a emprunté tous les chemins de la musique du XXème siècle : la guitare tzigane avec son père dans sa Charente natale (né à Angoulême le 23 septembre 1947), les airs populaires dans les bals où il apprend « le métier », le jazz sous toutes ses déclinaisons (be-bop, fusion…) avant de « monter » à St Germain des Prés et à ses caves (Le chat qui pêche) où il rencontre Eddy Louiss, Aldo Romano, Steve Potts...
 


     Son abondante discographie (une cinquantaine d’albums en cinquante ans) en témoigne : le « trio gitan », initiative du producteur Jean-Marie Salhani, avec deux collègues guitaristes (Boulou Ferré et Babik Reinhardt), un autre trio à cordes avec Didier Lockwood et Philip Catherine, le big band de Martial Solal, un enregistrement en direct avec le pianiste Hank Jones au mythique Village Vanguard de New-York, une tournée mondiale avec un « guitar hero », John McLaughlin… L’interprète était aussi compositeur et signa notamment « A suite for Gypsies » (Emarcy-Polygram 1998), rencontre d’un quartet de jazz et d’un quatuor à cordes, « dédiée à la mémoire des milliers d’enfants tsiganes morts dans les camps de concentration nazis ».
 


     Au vu de ses « états de service », on ne s’étonnera pas que Christian Escoudé ait décroché la plus prestigieuse récompense de l’Académie du Jazz, le Prix Django Reinhardt, succédant en 1976 à un autre guitariste, au destin tragique, Joseph Dejean. Le lauréat 1975 trouva la mort le 9 juin 1976 dans un accident de voiture au retour d’un concert dans les Charentes. Région où Christian Escoudé s’était retiré voici quelques années, « retournant à la vie rurale » (dixit Boulou Ferré) et élevant des chevaux.

 

Jean-Louis Lemarchand.

 

Crédit photo Bérengère Desmettre


    

 

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