Das Kapital One must have chaos inside to give birth to a dancing star
Sortie le 24 Mai sur Label Bleu/ L’Autre Distribution
Actus — Maison de la Culture d’Amiens (maisondelaculture-amiens.com)
Studio de l’Ermitage 12 Juin concert de sortie du CD
Un disque important pour ce trio de camarades toujours aussi soudés après plus de vingt ans d’activité. Même s’ils ne sont pas du genre à éprouver de la nostalgie, le coup d’oeil nécessaire dans le rétroviseur leur a fait mesurer la distance parcourue et l’évolution de leur musique improvisée depuis 2002. Il ne s’agit pas pour autant d’un travail de collectage des musiques héritées pendant toutes ces années. Si leurs deux premiers albums Ballads and Barricades en 2009 et Conflicts and Conclusions en 2011 étaient consacrés aux influences du passé, aux compositions de ce musicien au parcours extraordinaire et pourtant peu connu, Hans Eisler, exilé à Hollywood avant de revenir à l’Est (créateur de l’hymne national allemand), ils se sont très vite abandonnés à leur propre partition, des chansons sans parole d’une grande beauté.
Difficile de définir leur style mais “ça joue” toujours autant entre eux, gardant mélodie et pulsation, sans aucun dogme, tout à leur seul désir et pour notre grand plaisir, ne s’interdisant rien et surtout pas de mêler traditions, références aimées et indépendance dans la musique qui surgit de cet élan collectif. Du lyrisme enfin qu’ils ne dédaignent pas d’injecter dans leur arc narratif et dramaturgique.
Pendant les cinq jours à Amiens chez Label Bleu, enregistrant en direct dans le studio Gil Evans, ils ont joué à perdre haleine et sorti 41 improvisations dont ils n’ont au final retenu que 7 titres* après une écoute des plus attentives. L’ingénieur-son Maïkol Seminatore, le quatrième homme, a fignolé les thèmes choisis avec des arrangements, recadrements et loupes. Du sur mesure,“sans l’éclat, la distanciation ironique, la violence iconoclaste” des débuts disent-ils.
On arrive à se faire une idée précise de la tonalité de la séance dès la première écoute, tant le climat reste homogène. Une musique toujours aussi énergique grâce à la batterie de Perraud, au lyrisme souvent énervé, écorché des saxophones ténor et soprano de Daniel Erdmann et à la guitare maîtresse de Hasse Poulsen. Un triangle plutôt équilatéral qui ne respecte pas l’arrangement habituel (trop classique pour ces poètes libertaires) de guitare-basse/batterie.
Si Edward Perraud, batteur et percussionniste, coloriste et rythmicien attire l’attention dès l’origine avec ce “Birth” à l’ostinato perturbant, s’il varie ses effets par des ruptures de rythme, il s'avère assagi et plus régulier sur “The River” puis “Earth”; il brosse largement l’arrière-pays, ce socle sur lequel s’élance Daniel Erdmann inimitable, au timbre identifiable. C’est toujours la même séduction, immédiate, à l’ écoute de ce saxophoniste vibrant, tout en souffle, impressionniste ou fougueux… Plus en retrait semble le guitariste à moins que l’auditeur ne soit moins sensible aux accords de guitare qui s’enchaînent, imparables pourtant. Ce serait sans compter les doux effleurements d’Hasse Poulsen sur ce “Dancing star” en deux parties qui courent sans transition, une délicate musique des sphères; la construction ascendante de Hasse Poulsen, intègre avec bonheur tous les imprévus d’une musique invasive, constamment sous tension jusqu’au final prometteur, annonçant une “First Light” plutôt free rock.
Cet album semble une parfaite illustration en images virtuelles, écho à trois voix souvent irréelles, comme les photos d’Edward Perraud fantasmatiques et troublantes. Une suite continue où l’esprit se recentre autour d’ostinatos et de grondements sourds, le saxophone soufflant volontiers le chaud et le froid, la douceur étant du côté de la guitare.
Un peu plus étonnante est cette citation interminable tirée d’“Ainsi parlait Zarathoustra”. On ne comprend pas vraiment comment fonctionne leur alchimie, mais il est manifeste que cette musique à trois est structurée, parfaitement élaborée entre folk, jazz, rock. Ils continuent leur histoire sans perdre leurs repères. Attentifs, délicats, sans fébrilité excessive, ils savent donner à l’album son unité avec une dimension originale et poétique.
*2 plages fantômes poursuivent le supposé final!
Sophie Chambon