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19 mai 2024 7 19 /05 /mai /2024 18:21
FREE FIGHT   Guillaume Belhomme Philippe Robert

 

 

FREE FIGHT   Guillaume Belhomme Philippe Robert

This is our (new) thing

 

Editions Lenka Lente

FREE FIGHT de Guillaume Belhomme & Philippe Robert / Editions Lenka lente

Free Fight qui était paru pour seulement quatre numéros sous la forme d’un fanzine photocopié sur le site le Son du Grisli a été assemblé une première fois par les éditions Camion. Mais ce sont les éditions Lenka Lente qui leur rendent aujourd’hui leur format initial, à l’italienne, avec des illustrations en noir et blanc des pochettes d’albums photographiées à domicile dans leur environnement “naturel”.

On prend un plaisir certain à découvrir les échanges entre deux spécialistes, véritables allumés du jazz ( et de beaucoup d’autres choses) dans un duel à fleurets mouchetés. On suit leur parcours sans toujours bien saisir les passages, relais et associations d’idée entre eux, une entrée en évoquant vite une autre. Ils vont à sauts et à gambades dans les années fécondes, à coup de vinyles de leurs discothèques respectives que l’on aimerait bien découvrir in situ. Une bataille rangée des plus élégantes chez ces deux gentlemen du free jazz aux bibliographies conséquentes qui se sont rencontrés autour de ces musiques des marges. Des lisières même, sans hiérarchie de style ou d’école.

S’ensuit une grande variété de propositions déroutantes parfois, toujours intéressantes dans une sélection limitée à trente-six disques chacun, soit soixante douze articles. Ce qui n’est pas rien et forme la matière d’un bel objet que le format à l’italienne rend facile à consulter. Les adeptes de ces musiques pourront avec une grande liberté d’exploration, suivre, objecter ou proposer d’autres albums remontant des années soixante et soixante dix jusqu'aux années 2010. Ce n’est pas tant la discothèque idéale -idée rebattue et très déceptive au fond, qu’ils nous proposent tous deux que le résultat d'une écoute subjective privilégiant un découpage particulier. Historique donc mais encore contemporain, défricheur, planant ou militant, au delà du Free jazz, Black Power de Carles et Comolli. Ils insistent dans une interview liminaire sur le fait que cette liste argumentée a été dressée sans aucun calcul, aucun quota de nationalités, de genre, d’instrument, et évidemment aucune (auto)-censure, sans suivre l’ordre alphabétique, ni chronologique. Or l’amateur de jazz est un nostalgique et la chronologie lui importe. Il va chercher quels étaient les premiers albums sélectionnés : Jef Gilson in Oeil*Vision en 1962-1964, George Russel At Beethoven Hall chez Saba pour Shirley Jordan et encore Roswell Rudd America en 1965, tous deux indiqués par Guillaume Belhomme qui pousse aussi le curseur le plus loin, jusqu’en 2010 avec Jazz Pa Svenska où s’illustre Mats Gustafsson.

Philippe Robert dégaine avec du free, jazz, rock  : Steve Marcus in Count’s Rock Band de 1969 chez Vortex du saxophoniste Steve Marcus avec Larry Coryell et Guillaume Belhomme répond avec l’impeccable Cecil Taylor  in Garden en 1981 chez Hat Art. Solo à l’index précise-t-il, ce que montre la pochette. On déroule le fil de chroniques écrites d’une plume affûtée, dans un ton qui leur est propre, reconnaissable même sans la précaution d’une exergue signée pour chaque album. Si vous ne connaissez pas bien le groupe, le musicien, le chanteur, vous vous en ferez une idée d’après ces commentaires authentiques évoquant souvenirs et anecdotes qui balayent bien plus large que ce que le titre sous-entend. Que l’amateur se rassure cependant, il reconnaîtra des pépites dans ces albums de Roswell Rudd, Hamiet Bluiett, Frank Lowe, Andrew Cyrille, Steve Lacy, Wolfgang Dauner, François Tusques et Barney Wilen, Colette Magny, Jef Gilson, Joe Mc Phee, Marion Brown, Arthur Blythe, Sun Ra Aux Nuits de la fondation Maeght vol 1&2 en 1970, Mischa Mengelberg, Gunther Hampel avec Jeanne Lee…. car même si les auteurs font reposer leur choix, forcément subjectifs sur le plaisir et la sensibilité, leur expertise n’est plus à mettre en doute. Ce sont  donc les guides rêvés pour creuser la réalité d’une époque et d’une musique parfois incomprise, révélant au passage les conventions et hiérarchies tacites de la société.

 

Sophie Chambon

 

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