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4 mai 2024 6 04 /05 /mai /2024 17:43
JACKY TERRASSON     MOVING ON

 

JACKY TERRASSON    MOVING ON

Label Earth Sounds- DistributionNaïve-Believe

 

Sortie du CD le 19 avril

Concerts à venir à Marseille à la Caverne à Jazz le 17 Mai et à Paris au Bal Blomet le 07 Juin

 

Moving On Jacky Terrasson

 

On ne présente plus le pianiste franco-américain Jacky Terrasson qui a commencé sa carrière il y a suffisamment longtemps pour que, sans être encore un grand ancien, il ne soit plus un jeune moderne. Mais son dernier album au titre tout indiqué Moving on sort sur le label qu’il vient de créer, Earth Sounds.

Change t-il vraiment de direction avec ce nouvel opus? S’il raconte sa musique et donc sa vie après plus de trente années, c’est qu’il ressent moins la nécessité de déployer toute sa virtuosité, de jouer beaucoup de notes. Il s’entoure d’une équipe de haut vol avec de nombreux guests, car il connaît beaucoup de pointures dans le monde du jazz. Avec qui n’a t-il pas joué dans sa longue carrière entre France et Etats Unis depuis ses débuts? Avec gourmandise, il choisit de faire apparaître diverses orientations à partir de ses deux trios de base, l’un français (Sylvain Romano et Lukmil Perez), l’autre américain (Kenny Davis, Alvester Garnett) enregistrés à Pompignan (entre Nîmes et Montpellier, chez Philippe Gaillot) et à New York.

Mais il tient le fil de son programme jusqu’au bout avec cohérence. Il est ce mélodiste qui soigne thèmes et arrangements privilégiant la clarté sans rechercher d’inutiles difficultés, privilégiant cette joyeuse énergie qu’il partage avec ses complices dont certains sont des fidèles de longue date. Les musiciens rentrent ainsi dans une danse qu’ils mèneront alternativement sans que les parties ne diffèrent de trop, Jacky Terrasson étant l’élément unificateur de l’ensemble. Le pianiste se fait plaisir en invitant deux batteurs américains en plus de ceux des deux trios! Il fait le choix de tous les possibles : Kenny Davis et Billy Hart aux cymbales font une choréographie qui swingue de ce “Misty” où le pianiste fait cascader les notes. Jouer du bon vieux jazz, comme on sait le faire là bas!  Kenny Davis et Eric Harland constituent une autre des rythmiques américaines possibles sur la composition qui a donné son titre au disque, ce Moving on qui déménage et pourrait bien devenir un tube!

Le répertoire équilibré est composé de quinze titres dont  huit originaux et de savoureuses reprises fort bien reconstruites. Une réussite ouvre d’ailleurs l’album, cette version très originale de “Besame mucho” sur un tempo étiré bien plus que ralenti qui file vers des accords classiques et ferait presqu’oublier la mélodie si souvent ressassée.

Quand on vous disait des invités de choix, "Est ce que tu me suis?” fait appel à  la formidable Camille Bertault qui pose ses mots sur la mélodie pleine de chausse-trappes que lui a concoctée le pianiste. Il racontait qu’il avait d’abord pensé à faire un unisson avec son vieux camarade bassiste Sylvain Romano d’où le premier titre “Si le vin est bon” mais très vite s’imposa l’idée de Camille, elle seule pouvant arriver à chanter ainsi, funambule du son et poète du verbe, aux hardiesses vocales d’une musicienne accomplie. Elle sait composer des textes tissés dans son vécu, emballés avec style, des mots qui sonnent juste. 

Moving on est un album à la palette sonore élargie à un groove continu et des choeurs féminins : une deuxième chanteuse Kareen Guiock Thuram se joint à Camille Bertault sur le solaire “Happy” de Pharrell Williams où domine l’harmoniciste Grégoire Maret.  Ainsi chaque pièce a sa petite histoire : c’est le batteur Alvester Garnett, rencontré du temps où ils accompagnaient la chanteuse Betty Carter qui rythme le virevoltant “AF 006”, vol souvent pris entre Paris et New York que l’on suit de son décollage intrépide à ses accélérations saccadées et ses turbulences. On entendra encore un “Solar” et surtout un “I Will Wait For You” qui dynamitent complètement le tube de Michel Legrand, des Parapluies. Quant il ne part pas dans une interprétation enflammée, de son toucher sûr et souple, Jacky Terrasson peut basculer vers plus de douceur comme dans ce “Love Light” fin et nuancé, un thème où s’épanouissent mélodie, harmonie et rythme dans une forme courte conjuguées.

Avec une identité et  un style propre à présent bien affirmés, le pianiste a réussi ce nouvel album qui n’échappe pas à l’idée d’un mouvement et d’une intensité permanentes. Où liberté et rigueur se rejoignent dans la quête de ces moments où fusionnent la chaleur brillante du piano et le soutien immuable de rythmiques légères. Un pétulant enchaînement qui ne manque pas de substance.

Hautement recommandé en ces temps troublés.

 

Sophie Chambon

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Published by Sophie Chambon - dans Chroniques CD