Catherine Delaunay (clarinette, cor de basset), Nathan Hanson (saxophones ténor & soprano), François Corneloup (saxophones baryton & soprano), Tony Hymas (piano électrique), Hélène Labarrière (contrebasse), Davu Seru batterie). Invitée pour une plage : Billie Brelok (voix)
Langonet & Brest, 2022
nato 5890 / l’autre distribution
https://www.natomusic.fr/actualite-jazz-cd-concert/actualite-detail.php?id=665
Collectif, dans tous les sens du terme : communauté des artistes qui se sont engagé.e.s mutuellement dans ce groupe sans leader, sextette qui rassemble des musiciennes et musiciens qui ont souvent joué les uns-les unes avec les autres (tiens : les autres échappent à la pesante tyrannie du genre). Amitiés, goût de faire de la musique (de la porter, de la penser, de l’offrir) en commun. Choix de thèmes empruntés aux admirations collectives, au souvenir des figures marquantes des musiques libres et émancipatrices.
Plaisir d’écouter des compositions qui parlent de légèreté autant que de gravité, de découvrir sous un nouveau jour une musique de Michel Portal pour un film de Jean-Louis Comolli, ou un thème de Beb Guérin pour rappeler ce contrebassiste qui fut une sorte d’étoile filante dans l’effervescence des années 60-70. Se souvenir autrement de ce qui ne peut demeurer immuablement même, identique au souvenir arraché au fil du temps : Cinq Hops, du disque éponyme de Jacques Thollot ; Four Women, à jamais marqué par l’aura de Nina Simone ; Charangalila, naguère gravé par Lol Coxhill avec les Melody Four, ou Waste No Tears, inauguré par Sidney Bechet au temps du 78 tours…. Nostalgie ? Que non ! Cri d’amour joyeux et obstiné, avec La Paloma métamorphosée par l’arrangement de François Corneloup ; et salut amical, et posthume, à Jef Lee Johnson, compagnon de route d’Ursus Minor. Avec aussi des compositions originales des membres du groupe, pour célébrer les surgissements de liberté et de révolte. Les textes du livret, signés Jean Rochard, nous en disent plus encore sur ce qui se joue dans la mise en abyme de l’identité et de l’altérité. Et une plage résume peut-être ce qui, précisément, ne saurait être rejoué, et pourtant nous saisit comme le retour d’émotions surgies du passé : la Romance de la Guardia Civil española, ici dans la voix de la rappeuse Billie Brelok, fait resurgir en nos mémoire la façon dont Violeta Ferrer portait ces mots de Federico García Lorca, comme une tragédie immémoriale.
Xavier Prévost