Blue Note 2024
Josh Johnson (saxs), Jebin Bruni (keyboards), Abe Rounds (dms) + Kenita-Miller Hicks (vc), Jake Sherman et Julius Rodriguez ( kybds), Paul Thompson (tp) + Staceyann Chin et Hilton Als ( spkn wds).
C’est quasiment gagné : avec ce nouvel album, la contrebassiste-compositrice-chanteuse multi-talentueuse et multi awardisée va mettre tout le monde d’accord. Dans le monde pailleté du star système américain ( auquel d’ailleurs Meshelle Ndegeocello n’échappe pas), dans ce monde très people, c’est une sorte de mini-bombe.
Autant nous étions restés sur notre réserve sur son précédent (et néanmoins très récent) opus, autant celui-ci fait déjà référence, comme une sorte de masterpiece.
« No more water » nous arrive aujourd’hui à l’occasion du centenaire de la naissance de l’écrivain James Baldwin. Comme un hommage et une résurgence de ses textes dans l’actualité de ces Etats-Unis où la ségrégation reste encore un marqueur fort de la société américaine. D’ailleurs l’origine de cet album, comme elle s’en explique dans les colonnes de Downbeat remonte à 2016 lorsque l’élan finissant du 2ème mandat du premier président noir se trouvait confronté à la réalité des actions policières et que la question de la négritude refaisait surface avec la mort notamment de George Floyd. Mais plus précisément à l’automne 2016, quand fut commandé à Meschell Ndegeocello une pièce de théâtre créée avec Charlotte Brathwaite ( « The gospel of James Baldwin : can I get a witness »)
Les brûlots anti-segregationnistes chez les jazzmen et women sont, depuis les contests songs une constante du jazz américain. Et prennent parfois aussi les allures de tarte à la crème ultra-produits et marketé avec un sens démagogie poussé à l’extrême d’une logique somme toute assez compliant. Rien de nouveau donc sous ce soleil-là.
Mais cet l’album est néanmoins un reflet du mouvement Black lives matter qui, au moment où il a été conçu ( fin du dernier mandat d’Obama) commençait à connaître son essor. Mais là où Meschell Ndegeocello livre une œuvre remarquable c’est qu’au-delà de la question classique elle élargit le sujet aux autres formes de ségrégations notamment sexuelles et religieuses et trouve résonnance au-delà de Black lives matter dans d’autres mouvements comme #MeToo ou d’autres. En d’autres termes « No more water » est u manifeste actuel qui vient démontrer toute l’actualité du célèbre, « The Fire next time ».
Et c’est peut-être pour cela que « No more water » n’est jamais attendu, totalement protéiforme et convoquant de nombreuses formes musicales. Avec une réelle dimension artistique qui en déculpe la puissance narratrice. Lorsque la musique et les textes se rencontrent. On pourrait presque l’entendre comme une sorte d’ « opera-soul » qui acquiert une force incroyable. Parce qu’avec l’hommage à l’œuvre de James Baldwin, Meschell Ndegeocello nous invite à réfléchir à notre condition humaine que quelque côté que nous soyons.
Certes, dans ces colonnes habituellement consacrées au jazz, il a du mal à trouver sa place puisqu’il est résolument tourné comme l’un des plus beaux albums de soul (ou de pop) de cette année.
Mais peu importe au fond.
Jean-Marc Gelin